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Les mecs, pas pour les oreilles chastes!
Crédit: Radio-Canada

On l’aura attendu longtemps et elle a déjà fait couler beaucoup d’encre. La nouvelle série comique Les mecs — écrite par Jacques Davidts (Les Parent), réalisée par Ricardo Trogi (Les Simone) et produite par Guillaume Lespérance (Discussions avec mes parents) — est enfin sortie jeudi sur ICI Tou.tv Extra, un an après avoir été annoncée.

La comédie en 10 demi-heures qui suit quatre amis dans la cinquantaine (incarnés par Christian Bégin, Normand Daneau, Alexis Martin et Yanic Truesdale) devait initialement atterrir sur la plateforme au début du mois de juin, mais la machine avait été suspendue en mars à cause de la pandémie alors qu’il ne restait plus qu’une journée de tournages à l’horaire. Cette journée, le producteur croyait au départ pouvoir la reprendre une semaine plus tard; il aura dû attendre près de quatre mois, au final.

Karine Dufour pour Radio-Canada

Ces défis de logistique se sont ajoutés à une controverse née dès que le titre de l’émission avait été dévoilé, à l’automne 2019. Pour le rappel, Martine Delvaux avait écrit dans La Presse que Les mecs « donne un porte-voix — un de plus — à des voix qu'on entend partout ». Sophie Durocher lui avait d’ailleurs répondu dans Le Journal de Montréal avant que l’autrice féministe et le scénariste de la série n’aillent discuter ensemble à l’émission Pénélope, concluant ainsi le débat en s’entendant qu’il fallait voir les épisodes avant d’en déduire le propos.

Si on peut effectivement trouver dommage qu’on s’attarde encore une fois aux hommes, comme avec Les Invincibles ou Ces gars-là, on peut aussi relativiser un peu et penser à des séries centrées sur des personnages féminins, telles que La Galère, M’entends-tu? ou Trop. De la même manière, on peut s’interroger sur à quel point ça sort de l’air du temps comme prémisse tout en se rappelant que, être un homme dans la cinquantaine, c’est toujours bien la réalité de l’auteur de la série. Et, pour avoir vu la moitié de cette première saison, on peut dire que le propos, en fin de compte, il est loin d’être masculiniste.

On n’ira certainement pas jusqu’à dire que c’est féministe, mais Les mecs est franchement bien balancé entre l’esprit rétrograde de certains de ses personnages et les réponses savoureuses que leur servent d’autres protagonistes. Suffit de penser à comment Simon (Alexis Martin) rappelle le mouvement #MeToo à son ami Christian (Christian Bégin) qui couche avec une étudiante (adulte et consentante, soulignons-le, parce que sinon ça ne serait pas drôle pantoute) ou comment on traite du patriarcat au fil des épisodes.

En point de presse mercredi, Jacques Davidts expliquait justement que c’est dans ces réponses que se trouve la comédie, pas dans les propos plus mononcles qui se pointent ici et là avant d’être vite abattus comme une taupe dans une partie de Whac-A-Mole. Quand même, quelques occasions sont manquées ici et là. Mais qu’une série conçue par des hommes insiste sur la notion de consentement, c’est certainement un pas dans la bonne direction.

Les mecs suit donc quatre cinquantenaires, toujours prêts à se rendre au bistro du coin pour prendre un verre et jaser de leur vie (surtout sexuelle) entre eux ou avec la serveuse (Julie Ménard) qui n’a pas plus la langue dans sa poche que le quatuor.

Karine Dufour pour Radio-Canada

Celui-ci est composé de Simon, qui vient de se séparer pour la énième fois de Geneviève (Lynda Johnson) pour une histoire d’infidélité et qui se réfugie chez Christian, l’éternel célibataire qui se retrouve également à accueillir son fils Sébastien (Alexandre Nachi) et à se sentir envahi dans son baisodrome. Il y a aussi Martin (Normand Daneau), toujours en couple avec Sophie (Nathalie Malette), qui aime bien se confier à leur fille Charlotte (Laurence Barrette) à propos de leur intimité.

Et finalement, il y a Etienne (Yanic Truesdale), le seul personnage gai, le seul personnage racisé, qui est malheureusement relayé à un rôle très secondaire au départ. Il faut avancer pas mal dans les épisodes pour le voir davantage, puisqu’il passe le plus clair de son temps à lancer des commentaires dans son gym avec sa collègue (Myriam Debonville). Les répliques sont bonnes, mais pour la représentativité, c’est dommage…

Vous l’aurez compris, des histoires de couchettes, il en pleut dans Les mecs. La série en est définitivement une pour adultes avertis, pas pour un public avec des oreilles chastes. Ça parle de triolisme, de fellation, de masturbation et d’éjaculation à qui mieux mieux. Mais au-delà du sexe, au-delà des rapports hommes-femmes, on aborde aussi les liens parents-enfants, l’acceptation de son corps ou encore l’amitié. Des concepts qui transcendent l’âge des protagonistes et qui permettent à des gens de différentes générations de se retrouver, au moins en partie, dans les sujets touchés.

Les mecs est une comédie efficace à la réalisation soignée. Le contraste entre le Requiem de Mozart, qui résonne régulièrement, et les scènes dont le drame est très relatif est aussi amusant que saisissant. Les citations en début d’épisode qui vont de Bouddha à Wiz Khalifa appuient aussi cette intensité dramatique complètement décalée, et c’est très réussi, tout comme les immenses supers qui introduisent chaque personnage de manière absolument grandiose. On se croirait presque dans un film d’auteur!

Cet univers de bobos libidineux et intellos qui boivent du vino cher ou du café fancy est disponible dès maintenant dans l’Extra d’ICI Tou.tv. Et si c'était classiste, en fait?!

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