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Tout le monde en parle: Francine Ruel se confie sur le troublant récit d’itinérance de son fils
Crédit: Radio-Canada

L’itinérance, voilà un sujet complexe et difficile. C’est quelque chose que l’on côtoie quotidiennement si on vit à Montréal, ou dans toute autre métropole, mais que l’on ne mentionne pas, comme un secret que l’on garde malgré nous. Francine Ruel, comédienne et auteure, a abordé ce sujet lors de son passage à Tout le monde en parle ce dimanche. Son fils de 44 ans vit dans l’itinérance depuis plusieurs années.

Malgré le tabou autour de tout parent qui vit avec un enfant tombé dans l’itinérance, Francine Ruel a trouvé la force de partager son histoire. Anna et l'enfant-vieillard, c’est le roman écrit par la comédienne qui s’inspire directement de sa réalité bouleversante. À travers les 224 pages du livre, on suit l’histoire d’une mère en deuil de son fils itinérant et les souvenirs d’enfance que se remémore ce dernier.

Mais pourquoi enfant vieillard? « C’est un garçon qui a gardé cette espèce de fragilité qu’on a à 15-16 ans, c’est encore dans sa tête, mais il a l’air d’un père Noël parce qu’il a une barbe blanche, parce qu’il a vieilli. Parce que la rue c’est très dur, et ça vieillit les gens rapidement », a dit Francine Ruel avant d’expliquer la première fois qu’elle a avoué ce secret.

C’était à la lecture de son dernier roman qui portait sur le bonheur. Après avoir lu quelques extraits, une personne qui assistait à l’événement lui a dit que son fils devait se trouver bien chanceux d’avoir eu accès à l’éducation, la littérature, les voyages, les amis et tous les beaux moments qui ont composé son enfance. « J’ai chocké. Je pense que j’ai été dix minutes sans parler. Ça a dû être trois ou quatre secondes, et je l’ai dit simplement. C’est la première fois que je le disais. J’ai juste dit : »Non, pas vraiment. Mon fils est dans la rue.» » Ensuite, Francine s’est mise à écrire sur le récit d’elle et son fils. Pas pour se libérer, car « la peine ne partira jamais », mais « pour qu’il voie à quel point c’est un être fabuleux. »

Elle est revenue sur l’événement traumatique qu’a vécu son fils en 1994, alors qu’il a été grièvement blessé par balle dans une attaque gratuite. Durant son processus de guérison, Francine Ruel était très présente pour lui afin qu’il s’en sorte. « Quand on veut nous, on veut, mais il faut que lui veuille. Pour l’instant, ce n’est pas ça encore », a-t-elle dit. Guy A. Lepage a ensuite fait jouer, avec la permission de Francine, un documentaire dans lequel on voit son fils parler de la fusillade. « Il fallait que je sois insensible pendant un certain moment […] que je rationalise les faits en disant que c’est ça la vie… mais ce n’est pas ça la vie », l’entend-on dire avant de revenir sur la comédienne visiblement émue de revoir son fils.

C’est extrêmement difficile pour elle, car, pour la grande partie de sa vie, Francine a supporté son fils et a tout fait pour qu’il aille mieux, mais à un certain moment, c’était trop lourd à porter pour elle seule. Elle est alors allée consulter pour « faire le deuil d’un enfant vivant », qui est aussi la première phrase de son roman. Ça fait donc deux ans qu’elle tente de comprendre qu’elle ne peut plus aider son fils, qu’elle ne peut pas prendre les décisions pour lui. « Imaginez-vous comme parents, qu’est-ce que ça fait de regarder son enfant se noyer. Moi, je me sens toujours les mains attachées dans le dos, et je ne peux pas intervenir. »

Son roman, c’est un peu sa façon de continuer de l’aider, même si son fils ne sait pas qu’elle l’a écrit puisque cela fait six mois qu’elle n’a pas de ses nouvelles. Elle avait normalement des appels de lui, mais depuis plus rien. Il lui arrive de se promener dans les rues, dans les cafés qu’il fréquentait dans l’espoir de le voir, mais comme c’est difficile, elle ne le fait pas souvent. « C’était l’été, c’était moins pire. […] Les nuits à moins 30, je ne dors pas beaucoup. Où il est? Il fait quoi? Est-ce qu’il mange? Est-ce qu’il est bien? », s’est-elle confiée dans toute sa force.

Tout au long de l’entrevue, Francine Ruel a réussi à partager ce pan troublant de sa vie en demeurant stoïque, mais à la toute fin, alors que Guy A. Lepage lui souhaite que son fils lise son livre, la comédienne a versé les larmes que tous versaient déjà.

Anna et l'enfant-vieillard, c’est un récit d’impuissance pour tous les parents qui vivent dans un contexte similaire. Une bouée de sauvetage pour eux et, espérons-le, pour le fils de Francine.

Voyez l’entrevue complète sur ICI Tou.tv.

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