The Cirque, le spectacle du Cirque du Soleil hommage à Rock et Belles Oreilles (RBO) présenté cet été à l’Amphithéâtre Cogeco de Trois-Rivières, est moins punché et irrévérencieux que ne l’était l’humour du groupe culte, et manque de spectaculaire.
L’attendue production, huitième opus de la Série hommage du Cirque du Soleil (qui avait jusqu’ici encensé Guy Lafleur, Les Cowboys Fringants et Beau Dommage, entre autres), était inaugurée mercredi en présence de la bande originale de Rock et Belles Oreilles : Guy A. Lepage, André Ducharme, Yves P. Pelletier, Bruno Landry, Richard Z. Sirois et Chantal Francke, «la fille de RBO», désignée ainsi dans l’un des monologues.
Monsieur Caron et Madame Brossard
La principale curiosité de The Cirque réside évidemment dans la (re)découverte des personnages et chansons de RBO, dans ce contexte circassien tout singulier, où se juxtaposent danse et acrobaties dans des costumes flamboyants. Le catalogue de pitreries de la formation comique s’avérant garni, et les ressources du Cirque du Soleil, généreuses (pas moins de neuf concepteurs ont travaillé à élaborer The Cirque, dont la directrice créative Émilie Grenon-Émiroglou et le metteur en scène Jean-Guy Legault), tous les espoirs étaient permis.
En ce sens, l’effet était réussi avant même l’entrée sur le site. Et le sentiment de surprise perdure pendant deux heures.
La disposition scénique, répartie en trois petites plateformes chacune surmontée d’une énorme lettre rouge (R, B et O), permet quelques belles trouvailles, qu’on n’exploite toutefois pas suffisamment. Le «B», principal terrain de jeu, est utilisé à profusion, exhibant un protagoniste ou un autre dans ses cavités ou s’écartant le temps d’une ou plusieurs culbute(s) d’envergure. Le «R» et le «O» font davantage office d’accessoires.
On n’attend pas longtemps la «touche RBO»: d’entrée de jeu, le public se fait expliquer les directives d’usage sur écran, dans un efficace bulletin de nouvelles des sourds.
Puis, il y a Stromgol, Ringo Rinfret qui descend du ciel, une relecture du mythique sketch de Génies en herbe (avec, oui, St-Jean-de-Bosco contre Entraille-les-Oies… et Bo Derek!), des contorsions et du mât oscillant sur Arrête de boire, Monsieur Caron, Madame Brossard, la famille Slomeau, Le feu sauvage de l’amour…
Manque de… RBO
Seulement, la trame de fond de The Cirque, sorte de cabaret des années 80 sur l’acide avec personnages flyés et clownesques, rappelle plus ou moins l’univers initial de RBO et, avec ses numéros souvent trop longs, dilue le concept plus qu’il ne le rehausse.
La simple vignette d’ouverture, tout en danse et en patins à roulettes, avec ses joueurs de cornemuse et ses religieuses délurées, sur I Want To Pogne, manque cruellement d’attrait et s’éternise. Rares y sont les références brutes au sujet principal, outre la trame sonore.
On a ainsi parfois l’impression de perdre RBO de vue dans ce délire créatif, certes coloré, mais qui pourrait coller à n’importe quel spectacle du Cirque du Soleil, avec ou sans hommage. Certains tableaux n’ont absolument rien à voir, visuellement, avec les anciens jeunots de TQS et de CIBL, et évoquent davantage le Cabaret Mado que les parodies cinglantes de nos notoires grands baveux.
Ne cherchez pas d’histoire ou de logique particulière attachant les saynètes les unes aux autres, on n’en décèle pas vraiment. Sans compter que les prestations physiques sont très peu impressionnantes. Rien pour couper le souffle ici, ni d’ébahissement, ni de rire.
Quant aux interventions de l’«animatrice» baptisée Alegria (le Cirque du Soleil sait se promouvoir), où il est question de FADOQ, de diversité et autres futilités n’ayant, encore, que peu à voir avec RBO, elles tombent à plat et durent beaucoup trop longtemps.
Le meilleur moment de The Cirque survient dans la deuxième partie, qu’il faut attendre pour finalement entendre la chanson-thème de RBO, et qui se révèle plus consistante que la première. Dans la capsule Le tour du monde (vous avez les accords en tête?), défilent quelques figures bien connues des irréductibles de RBO, comme la «madame pas contente» de «Wall Marde», le Chef Groleau, Jack Travis et même Kenny, avec une touchante œillade aux BB (le regretté Patrick Bourgeois a écrit quelques mélodies avec les membres de RBO, dont leur pièce-titre). On se demande simplement ce que Véro et Louis… et Guy Laliberté (?) viennent faire dans cette parade.
Les danseurs nus aux bijoux de famille savamment cachés par des serviettes Gammick International et le Clown triste, et son énorme éléphant comme décor, transportent un beau potentiel, sans faire honneur à celui-ci. Le segment final, sur Bonjour la police en roue de la mort, intéressant au départ, s’allonge tant qu’il en perd toute saveur. Et il n’encapsule pas tout le symbolisme d’une icône comme RBO pour le Québec.
C’est peut-être là l’un des principaux problèmes de The Cirque : on n’y ressent ni l’essence de RBO, ni l’attachement collectif à l’endroit du groupe. On imagine sans peine l’énorme labeur nécessaire pour en arriver à harmoniser fluidement une œuvre aussi colossale, emblématique, avec le monde du cirque.
L’exercice était périlleux.
Or, ce serait hélas mentir que d’affirmer que The Cirque constitue un incontournable pour tout inconditionnel de RBO, ou même du Cirque du Soleil, qui nous a habitués à mieux.
Le spectacle The Cirque – Hommage à Rock et Belles Oreilles, est présenté jusqu’au 17 août à l’Amphithéâtre Cogeco de Trois-Rivières.