On a souvent salué l’apport de Rock et Belles Oreilles à l’humour québécois, mais sur trampoline, entre une jonglerie et une contorsion, à l’intérieur d’une roue Cyr ou en suspension sur un trapèze volant, l’expérience n’avait encore jamais été tentée!
Guy A. Lepage, Yves P. Pelletier, André Ducharme et Bruno Landry sont eux-mêmes très curieux d’admirer l’œuvre que leur concocte le Cirque du Soleil dans le spectacle The Cirque, qui rendra hommage à leur œuvre comique et musicale à l’Amphithéâtre Cogeco de Trois-Rivières, du 17 juillet au 17 août prochain. Lesquels de leurs saynètes mémorables et de leurs personnages incontournables seront parodiés, sur quelles chansons et dans quelles acrobaties?
Les quatre gaillards étaient réunis, jeudi, leur symbolique manteau jaune au dos, pour enchaîner les entrevues avec les journalistes, à quelques semaines du début des représentations de The Cirque (après The Disque, The Tounes, The Sketchs, The Coffret, The Archives, etc).
Hollywood PQ s’est entretenu avec la sympathique bande, un éclat de rire n’attendant évidemment pas l’autre. Compte-rendu.
HollywoodPQ: «Les gars, comment avez-vous réagi lorsqu’on vous a proposé de revisiter l’univers de Rock et Belles Oreilles dans un spectacle du Cirque du Soleil?»
Guy A. Lepage: «C’est rare qu’on a tous des réactions aussi enthousiastes…»
André Ducharme: «Et identiques! Sans bémol!»
G.A.L: «Il y a toujours un empêcheur de « tourner carré », dans notre groupe. Et ce n’est jamais le même! Et, là, on était tous contents.»
Yves P. Pelletier: «Moi, j’ai eu une réaction un peu juvénile, du genre: Wow! Du cirque! Il va y avoir des numéros de cirque! Ce sont des spectacles à grand déploiement. C’est prestigieux, je trouve, de penser que nos conneries qu’on a faites dans les années 1980 vont devenir des numéros grandioses. J’ai hâte de voir ça!»
G.A.L: «Il y aura des pirouettes et des cacahuètes…»
Y.P.P: «Ils vont trouver des 25 cents derrière nos oreilles!»
G.A.L: «C’est impressionnant, le Cirque du Soleil. Ils ont fait des spectacles à Las Vegas en hommage, par exemple, à Michael Jackson. Oups, mauvais exemple! (rires) Mais aussi aux Beatles, à Elvis… Ici, au Québec, il y a eu Beau Dommage, les Cowboys (Fringants), Guy Lafleur…»
A.D: «On entre dans une belle famille…»
Bruno Landry: «Avec un soin particulier accordé à la bande sonore. On vient justement d’entendre un extrait de ce qui a été fait pour le show. Ils ont adapté des chansons de RBO, et c’est déjà le fun.»
A.D: «On ne peut plus dire qu’on est au courant de rien, on en a entendu 30 secondes! Mais, pour le reste, on n’est vraiment au courant de rien!»
HPQ: «La musique occupe une grande place dans l’œuvre de RBO. À l’origine, votre émission à CIBL en était une dédiée à la musique, avant que n’embarquent vos sketchs comiques. Vos chansons seront beaucoup mises de l’avant dans le spectacle. Êtes-vous heureux qu’on trouve encore un prétexte pour célébrer votre legs musical, au-delà des blagues?
G.A.L: «Elles vieillissent bien, nos chansons! Des fois, tu te promènes en auto, et à la radio commence Bonjour la police, Arrête de boire, Feu sauvage [de l’amour]… Ça sonne super bien! On ne change pas de poste…»
B.L: «À chaque année, on entend C’est Nono Noël dans le temps des fêtes!»
G.A.L: «Qui est quand même l’une des très bonnes tounes de Noël que j’ai entendues!»
Y.P.P: «Dès nos débuts, on a eu le privilège de travailler avec des compositrices et des compositeurs exceptionnels. Patrick Bourgeois, on ne savait pas qu’il allait devenir une icône de la pop québécoise! Patrice Dubuc, Gaëtan Essiambre, Marie Bernard… Pagliaro!»
G.A.L: «On a été chanceux, les gens avaient envie de travailler avec nous, pour des raisons qui nous échappent encore!»
A.D: «Il y a la musique, et il y a les univers. C’est ce que j’ai hâte de voir arriver avec le Cirque. On a créé des univers. On a donc hâte de voir ce qu’ils vont faire avec Stromgol, la famille Slomeau ou Jack Travis. Peut-être qu’ils ne feront rien, non plus! On ne sait pas, ils ne peuvent pas tout faire. Mais quels seront les mix? Quel personnage ou quel univers va servir à quel genre de numéro? On ne le sait pas…»
Y.P.P.: «Il y a un côté bande dessinée dans RBO qui, je pense, colle bien avec l’univers du Cirque. Nos pochettes de disques sont jaunes, roses, vertes…Le metteur en scène [Jean-Guy Legault] a dit que son thème, c’était le risque. Donc, ils voulaient un côté humoristique, et ils seront peut-être un peu ironiques, aussi, par rapport à nous, et par rapport aux années 1980 et 1990. Le Cirque du Soleil pose un regard sur les années 1980 et 1990. Il y aura trois scènes différentes, et il y aura des numéros d’acrobaties risqués. Je ne suis pas acrobate, mais ç’a l’air qu’il va y avoir des affaires hot!»
G.A.L: «Il y aura des saltos arrières et des vrilles!»
HPQ: «Êtes-vous des adeptes de cirque en général?»
G.A.L: «J’ai vu beaucoup de spectacles de cirque dans ma vie. Par goût personnel, et aussi parce que j’ai des enfants sur plusieurs générations. On finissait toujours par se ramasser au cirque à un certain moment! C’est un bel univers.»
A.D: «Je suis un gros fan de cirque, et un gros fan du Cirque du Soleil. Des spectacles du Cirque du Soleil, j’ai voyagé pour en voir.»
Y.P.P: «Moi, j’ai des tensions au niveau du trapèze. C’est ma relation avec le cirque… (rires) Sérieusement, ce que je trouve le fun, c’est que, quand j’étais jeune, avant que le Cirque du Soleil existe, il y avait les Échassiers de Baie-Saint-Paul, des amuseurs de rue un peu bohèmes, de la génération qui nous précédait. Ils ont fondé un cirque qui est devenu une institution internationale [le Cirque du Soleil]. Je trouve ça beau que nos chemins se rejoignent au moment où on a 60 ans.»
B.L: «Moi, j’ai des amis qui sont musiciens à Vegas, dont un qui jouait du saxophone en g-string dans un show qui n’existe plus, qui s’appelle Zumanity. Je le niaisais toujours! Quand je lui parle, je lui demande s’il a encore son g-string pour jouer du saxophone. J’ai vu tous les shows possibles et imaginables du Cirque du Soleil, même celui d’Elvis qui n’a pas duré très longtemps.»
HPQ: «Vous êtes bons joueurs avec les taquineries, mais êtes-vous critiques, exigeants, quand on vous rend hommage?»
G.A.L: «Il ne faut pas bouder son plaisir. C’est comme si tu m’apportais un gâteau à mon anniversaire, et que je te disais qu’il est laid, ton gâteau, qu’il y a trop de rose dessus. Moi, je trouve que, quand quelqu’un t’offre quelque chose, tu le prends. Moi, je ne vais pas là en étant anxieux; j’ai juste hâte d’y être.»
B.L: «À cheval donné, on ne regarde pas la bride!»
Y.P.P: «Quand ils nous ont rendu hommage à Juste pour rire dans les années 2000 [en 2009], c’était le même contexte. On ne savait pas du tout ce qui allait se passer sur la scène. Et moi, j’ai eu tellement de fun! Justement, le plaisir, c’est d’avoir des surprises. Simple Plan était venu chanter I Want to Pogne. Ils avaient recréé notre sketch des années 1980, La villa des petits vieux, avec Yvon Deschamps, Dominique Michel, Jean Lapointe, des icônes…»
HPQ: «La culture québécoise verse beaucoup dans la nostalgie, en ce moment. Seulement cet été, un balado sur l’œuvre de Beau Dommage vient de sortir, le film Nos Belles-Sœurs prendra bientôt l’affiche, des pièces de théâtre sur Moi et l’autre et La Poune (Rose Ouellette) s’apprêtent à prendre la route, et le Cirque du Soleil vous rend hommage, entre autres. Est-ce trop, à votre avis?»
B.L: «Je dirais qu’il ne faut pas sombrer dans la nostalgie. Ce qui est intéressant, c’est de voir si on peut actualiser ce qu’on a fait, pour faire un show qui est pertinent aujourd’hui.»
A.D: «En même temps, c’est important d’avoir de la mémoire. Beau Dommage en est un bon exemple, et ils n’en abusent pas. Ça faisait longtemps qu’on ne les avait pas vus. C’est bien qu’on se rappelle, qu’il s’agisse de n’importe qui, de n’importe quelle émission de télé. Il faut se rappeler c’était qui, Jean-Pierre Ferland.»
Y.P.P: «On est dans un monde en mutation, et la culture québécoise, c’est justifié de la valoriser, sans trop vénérer ce qui vient du passé. Pour lui permettre de survivre. [Yves P. Pelletier enchaîne en chantant les paroles du refrain de Survivre ensemble, pièce popularisée par Marie-Denise Pelletier].»
G.A.L: «Comme disait le poète, tout ce qui monte retombera. Ah, non, c’est notre chanson, ça! [la chanson-thème de Rock et Belles Oreilles]»
HPQ: «Y a-t-il eu des tentatives d’hommages à RBO qui ont été ratées, au fil des ans?»
G.A.L: «Pas tant. Ce n’est pas arrivé souvent. C’est pour ça qu’on est encore enthousiastes comme des jeunes garçons en pleine puberté!»
HPQ: «Vous-mêmes, vous vous êtes souvent réunis, pour des anniversaires de RBO, pour des projets sporadiques. Vous le faites toujours avec plaisir?»
B.L: «On fête même nos chiffres impairs!»
Y.P.P: «Le dernier anniversaire, on s’était dit qu’on ne faisait rien [pour leurs 40 ans, en 2021]. À un moment donné, la pandémie arrive. On se retrouve chacun chez nous. Moi, je cherchais des affaires drôles à regarder, et c’est là qu’est né le projet de la série sur Crave [RBO – The Archives], avec nos vieilles émissions de TQS. Finalement, on a célébré notre anniversaire par la force des choses, mais on avait l’intention d’être discrets.»
A.D: «La pandémie a créé le besoin!»
HPQ: «Aimez-vous regarder vos vieux sketchs?»
B.L: «Oui, parce que moi, il y a des sketchs dont je n’avais aucun souvenir! Il y a des sketchs que j’ai écrits, dans lesquels j’ai joué, et dont je ne me rappelle pas du tout.»
A.D: «À un moment donné, quand on a sorti nos coffrets DVD, on a fait un tri. On avait fait une sélection; ça, c’était les sketchs qu’on laissait aux gens pour qu’ils puissent les regarder. Les autres n’ont pas vraiment resservi. Nous-mêmes, on les a oubliés. C’était dans une voûte… et, dans certains cas, c’est une bonne idée que ça soit dans une voûte (rires).»
Y.P.P: «Il y en a plusieurs qui étaient beaucoup trop longs…»
G.A.L: «Supposons que tu es un auteur-compositeur, et que tu sors un disque de 12 chansons aux deux ou trois ans, au bout de ta vie, tu as fait 70 ou 80 chansons, qui ont toutes été entendues, appréciées. Nous, on a écrit des milliers de sketchs. Ceux qu’on a oubliés, parfois, c’est pour des bonnes raisons; ou alors, c’est parce qu’on a fait une affaire le mercredi, et le jeudi, il faut en faire une autre. On a produit, pendant 14 ans, des milliers de sketchs. Ça devient une routine. Puis, les gens nous arrêtent dans la rue, et ce sont eux qui décident lesquels de nos sketchs et de nos personnages deviennent leurs préférés. Nous, si on faisait chacun une liste de nos sketchs préférés, ça ne serait probablement pas les mêmes, et il y en aurait sûrement plusieurs plus « champ gauche », dont la plupart des gens ne se souviennent pas, mais que nous, on a eu du fun à faire. Mais ce n’est pas nous qui décidons de ce qui est drôle ou pas, quelles sont les bonnes ou moins bonnes chansons.»
B.L: «Mon personnage préféré était Éric Émoglobul, un réalisateur français. Personne ne m’en parle jamais!»
A.D: «Même nous, on ne lui en parle plus!»
HPQ: «Est-ce que votre public se renouvelle encore? Y a-t-il des jeunes qui découvrent RBO, encore aujourd’hui?»
Y.P.P: «Moi, je vois beaucoup de jeunes dans les salons du livre. Parfois, ça vient de leurs parents, de leurs grands-parents ou de leurs arrière-grands-parents. Je leur demande comment ils connaissent ça, ils me répondent qu’ils ont regardé les DVD, et qu’ils vont voir sur YouTube quand il y a une parodie d’émission de télé diffusée avant leur naissance! Des fois, aussi, ce que j’ai remarqué, c’est que les jeunes aiment plus certaines affaires que d’autres. Ils ont accès à tout le patrimoine! S’ils aiment surtout la famille Slomeau, ils regardent les sketchs de la famille Slomeau!»
A.D: «Les DVD ont eu un gros rôle à jouer, là-dessus. Quand les DVD sont sortis, une nouvelle génération a embarqué. Et les DVD sont encore là. Des fois, un kid de 12 ans peut les regarder chez sa grand-mère. Et on vient d’en attraper un autre!»