Les remerciements de Serge Postigo avaient fait réagir Safia Nolin, le lendemain du Gala de l’ADISQ. Le metteur en scène avait défendu l’intégrité des employés de Juste pour rire dans son discours et avait plaidé pour qu’on ne laisse pas « l'horreur dessiner leur avenir à court et moyen terme », faisant allusion aux agressions présumées de Gilbert Rozon envers plus d’une dizaine de femmes du milieu culturel. Safia Nolin, récipiendaire ce soir-là du Félix de l’Interprète féminine de l’année, avait jugé que ses propos étaient inappropriés dans les circonstances, manquant de respect aux victimes qui avaient affronté «â€‰une compagnie pourrie de l'intérieur, qui dit aux victimes de se fermer la gueule depuis des années ».
Serge Postigo a finalement répondu aux critiques de Safia et a expliqué ce qui avait motivé le discours qu’il n’avait pourtant pas prévu avant de monter sur scène, dans une entrevue accordée à Sophie Durocher sur les ondes de blvd 102.1 : « J'aurais trouvé ça dénigrant pour le courage des victimes d'aller chercher un prix pour une production produite par Juste pour rire et de faire fi de ce qui s'est passé, de ne pas le mentionner et d'être là, en haut, l'air festif et de dire : ‘‘Hey, merci tout le monde, c'était une belle gang, c'était une belle expérience, merci aux 140 000 personnes qui sont venues voir le spectacle'’ et de sortir de scène tout joyeux avec mon trophée remis à une production qui, en ce moment, par les agissements présumés de son fondateur est vraiment sur la sellette. Alors par respect pour ces victimes-là, par respect pour leur courage, je devais ne pas faire semblant. »
Le metteur en scène n’a toutefois pas condamné la réaction de Safia : « Elle a raison. Je la comprends. C'est le même réflexe qu'on a tous. De vouloir anéantir le geste, l'homme qui l'a posé et tout ce qui pourrait représenter à la fois ce geste et cet homme. Ça, c'est un réflexe. Et c'est un réflexe que j'ai eu aussi, c'est un réflexe que les humoristes ont eu aussi, c'est un réflexe que beaucoup de gens ont eu. À partir de là, est-ce qu'on doit déterminer notre société et les vies de gens impactés par ça par de simples réflexes? Il faut réfléchir après ça. »
« Et, Safia, quand elle parle de Juste pour rire, moi je traîne autour de Juste pour rire depuis '99, explique le metteur en scène. Je ne l'ai jamais vue là, moi. Je ne l'ai jamais vue dans les bureaux, à ce que je sache je suis pas sûr qu'elle ait travaillé pour Juste pour rire. En tout cas elle dit que c'est une compagnie pourrie de l'intérieur, j'imagine qu'elle est déjà venue à l'intérieur de cette organisation-là. Parce que sinon, malheureusement, Safia ce qu'elle fait, elle fait précisément ce que les gens ont fait l'année dernière avec elle : elle juge sur les apparences, et elle nous a prouvé que c'est très, très mal de faire ça. Et ce que je trouve particulier de sa part aujourd'hui, c'est que sur les apparences, et je ne sais pas où elle les prend, parce qu’où est-ce qu'elle est allée chercher cette information-là que c'est pourri de l'intérieur? En tout cas, une chose est sûre, moi je ne l'ai jamais vu dans cette organisation-là. Elle juge ça et il faut faire attention à ce qui a sa place dans un gala et ce qui n'a pas sa place. Encore une fois, Safia nous a prouvé qu'on n'est pas obligés de faire et de se plier à ce qui se fait et ne se fait pas dans un gala. […] Ben il va falloir que Safia Nolin accepte que les autres aussi aient le même droit qu'elle. »
On doit dire qu’on apprécie la clarification de Serge Postigo, dont le discours contrastait beaucoup avec les humbles saluts au courage des femmes qui ont témoigné contre Gilbert Rozon, ce soir-là. Chose certaine maintenant, Serge et Safia sont du même côté : celui des victimes.
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Crédit photo : Karine Paradis