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Luc Dionne frappe encore très fort avec la série L’Appel
Crédit Courtoisie Aetios/Québecor Contenu

Été 1997. Le Québec est depuis quelques mois le théâtre d’une guerre sans merci de motards criminalisés, qui prend une ampleur telle que des innocents en paient le prix. Dans la foulée, deux gardiens de prison, Diane Lavigne (en juin) et Pierre Rondeau (en septembre) sont bassement assassinés.

La tension monte dans les corps policiers. Me France Charbonneau, procureure chevronnée, plus de 80 procès au compteur, fatiguée de son métier qui lui laisse peu de temps pour sa fille et sa vie privée, s’amène comme conseillère juridique au sein de l’escouade Carcajou, entité formée par le gouvernement pour, justement, contrer cette escalade de violence.

Le principal suspect dans le dossier des meurtres des agents correctionnels, Stéphane «Godasse» Gagné, est arrêté; sa collaboration pourrait permettre d’épingler Maurice «Mom» Boucher, l’une des principales têtes dirigeantes d’un des groupes de motards. Boucher sera acquitté en 1998, mais l’intervention de France Charbonneau, en 2000, mènera à son procès final et à son incarcération, en 2002.

Magalie Lépine-Blondeau incarne la procureure France Charbonneau dans la série L’Appel / Crédit : Courtoisie Aetios et Québecor Contenu

Ces noms, cette prémisse disent assurément quelque chose aux plus âgés d’entre vous. Car ils ont véritablement existé, cette cruelle joute interlope et cette atmosphère de terreur, ici, à la fin des années 1990. Difficile à oublier, cette époque où Maurice «Mom» Boucher et sa bande défrayaient les manchettes.

Et qui de mieux que l’auteur d’Omertà, du Dernier chapitre et de District 31, Luc Dionne,avec sa connaissance approfondie de la chose policière et criminelle, pour rendre compte en format fiction télévisée de ce chapitre peu glorieux de l’histoire récente de la province?

Le résultat, la minisérie L’Appel, se dévore sur la plateforme illico+, à raison de deux épisodes d’une heure (sur un total de six) dévoilés par semaine, à compter du jeudi 23 janvier.

Hommage à une guerrière

Nuance, toutefois. L’équipe de production de L’Appel (la maison de production Aetios, de Fabienne Larouche et Michel Trudeau, la réalisatrice Julie Perreault, la direction d’illico+) insiste et le martèle : ce thriller en quasi tous points calqué sur la réalité (à peu près seuls des noms des policiers ont été modifiés) est d’abord et avant tout le combat d’une femme, la procureure France Charbonneau, incarnée par Magalie Lépine-Blondeau.

France Charbonneau, procureure émérite, réellement conseillère juridique de l’escouade Carcajou, juge à la Cour supérieure, présidente de la Commission Charbonneau…

La dame n’est pas spécialement au cœur des deux premières heures de L’Appel, surtout narrées par les policiers, notamment l’enquêteur Sylvain Provencher (Patrice Robitaille), son bras droit Martin Coulombe (David Savard) et leur patron Georges Dugal (Christian Bégin). Mais c’est autour d’elle, France Charbonneau, son amie dans la vie, que Luc Dionne a voulu axer son récapitulatif des événements. Le prolifique créateur de Dumas l’a beaucoup répété depuis l’annonce de L’Appel, en mai dernier : écrire une série sur Mom Boucher, un personnage «fascinant, pas intéressant», à proprement parler, ne l’intéressait pas du tout.

Vincent Graton dans la peau de Maurice « Mom » Boucher dans la série L’Appel / Crédit : Courtoisie Aetios et Québecor Contenu

En table ronde avec les journalistes lors du visionnement de presse de L’Appel, en début de semaine, en visioconférence depuis la Floride, l’authentique France Charbonneau n’a nullement caché son enthousiasme devant cet hommage qui lui est aujourd’hui rendu.

«Absolument fabuleuse», «un copier-coller de la réalité», «d’un réalisme criant», «comédiens exceptionnels» : l’icône québécoise du monde judiciaire n’avait que des éloges à formuler.

«Je suis extrêmement honorée et émue de cette série-là. J’étais assise sur le bout de mon siège. Je connaissais la fin (rires) et j’avais hâte de me rendre à la fin. C’est génial, ce qu’ils ont réussi à faire», a souligné France Charbonneau, un sourire sincère aux lèvres.

8900 pages de procès!

L’intrigue de L’Appel déboule vite. Au début, surtout, alors qu’elle avance au gré des discussions entre les enquêteurs.

Écoutez-les bien, ces conversations : elles jettent les bases de toute l’affaire. Elles nous lancent directement au vif de l’action: qui a peut-être tiré qui, où et quand, qui est complice de qui, qui avait vendu de la drogue à qui lorsque l’autre était jadis agent double…

Le fil des événements est délimité avec exactitude par des indicateurs temporels – dates, heures – qui apparaissent à l’écran de façon pas du tout subtile. Ce n’est pas superflu : la guerre aux motards se déployait de minute en minute, en cette période où I’ll Be Missing You, de Puff Daddy, trônait au sommet des palmarès musicaux.

Pier-Luc Funk dans la peau de Stéphane « Godasse » Gagné dans la série L’Appel / Crédit : Courtoisie Aetios et Québecor Contenu

Au deuxième épisode, le suspense autour de l’arrestation de Stéphane «Godasse» Gagné (Pier-Luc Funk), que Provencher cuisinera abondamment pour le persuader de devenir délateur, fait grimper nos pouls d’un cran.

Dans une scène particulièrement convaincante, la partie de ping-pong verbal qui s’opère entre les deux comédiens (Patrice Robitaille s’y expose en furie!) s’avère savoureuse.

Encore là, les investigateurs profitent d’un plus important temps de glace que France Charbonneau, mais on ne perd apparemment rien pour attendre. L’épouse de Godasse et mère de son petit garçon (Léa Roy) se retrouve elle aussi sur la sellette.

Même si L’Appel ne poursuit absolument pas l’objectif de glorifier les bandits – c’est très clair dans le ton, dans le texte –, l’exécutant de Mom Boucher gagne en humanité lorsqu’il passe un coup de fil à sa mère en pleurant.

Et difficile de ne pas ressentir une pointe de fascination lorsque ledit Mom Boucher (confondant Vincent Graton) se pointe dans le décor…

Devant les médias, Luc Dionne a salué la «volonté politique» qui animait nos dirigeants, il y a 30 ans, d’en finir avec les gangs et la brutalité. À l’exception du petit bavardage entre ses protagonistes, Dionne – qui a transposé son lot de récits vécus à la caméra, entre autres dans les films Monica la mitraille, Aurore et L’Enfant prodige sur le pianiste André Mathieu –, affirme que «tout est réel» dans L’Appel. Les 8900 pages de procès et de requêtes qu’il a épluchées pour les besoins du projet en font foi.

David Savard et Patrice Robitaille dans une scène de la série L’Appel / Crédit : Courtoisie Aetios et Québecor Contenu

L’un des retournements de cette croisade contre le crime organisé, l’attentat contre le journaliste du Journal de Montréal, le regretté Michel Auger, qui avait tant frappé l’imaginaire au tournant des années 2000, sera montré dans la série au 5e épisode.

Et pourquoi le titre L’Appel? Celui-ci réfère à un important appel manqué. Celui que Stéphane «Godasse» Gagné a passé à ses avocats, à 6 h du matin. Lesquels n’ont jamais répondu, transformant ainsi le cours d’un pan de l’histoire judiciaire du Québec.

La série L’Appel, à voir sur illico+ dès maintenant.

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