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Kimberly Laferrière: « C’est un des personnages les plus complexes que j’ai eu à jouer dans ma vie »
Crédit: Marlène Gélineau Payette via Facebook de Kim Laferrière

Depuis quelques semaines, on est complètement accrochés à Fugueuse, la nouvelle série-événement écrite par Michelle Allen et présentée sur les ondes de TVA les lundis soirs. Outre la performance de Ludivine Reding et la découverte des talents de comédien de Jean-François Ruel, on remarque le rôle nuancé et difficile qui a été confié à Kimberly Laferrière. Celle qui incarne Natacha nous a confié ses perceptions sur ce personnage ni blanc ni noir, mais aussi sur le milieu du proxénétisme, sur la discussion sociale que la série engage et sur son parcours d’actrice. Entretien avec un relativement nouveau visage pour le grand public québécois, mais qui a tout de même 20 ans de métier derrière la cravate.

Qu’est-ce qui t’a attiré dans le personnage de Natacha?

Pour moi, c’est un des personnages les plus complexes que j’ai eu à jouer dans ma vie. C’est la première fois que je joue quelqu’un qui est « méchant », un vilain. Je trouvais ça intéressant parce que, évidemment, comme comédienne, je cherche tout le temps des nouveaux défis. Ses morales [à Natacha] vont complètement à l’encontre des miennes, je trouvais ça intéressant d’explorer ça. J’ai trouvé ça difficile d’ailleurs, plus difficile que je le pensais. Tourner certaines choses, comme le viol collectif qu’on a vu dans l’épisode quatre, j’ai eu ben de la misère. […] C’était un super beau défi de jouer la complexité du personnage. Je ne pense pas que tout le monde est à 100% méchant dans la vie. Je le dis tout le temps pour Natacha aussi : on va comprendre à la fin, elle fait des choses atroces, mais c’est pas une fille méchante [N.D.L.R. On commencera à le voir dans la seconde partie de la série].

Comment t’es-tu préparée pour le rôle? As-tu eu la chance de faire des rencontres ou de lire les témoignages recueillis par Michelle Allen?

J’ai pas eu la chance de rencontrer des fugueuses comme Ludivine, par contre j’ai eu la chance de regarder des documentaires dont Michelle s’est servie pour s’inspirer de la série. Moi, ce que j’ai fait, c’est que j’ai plutôt cherché à rencontrer des filles qui ont travaillé dans les bars, donc des danseuses de différents âges, qui viennent de différents milieux. J’ai parlé avec une femme, par exemple, dans la soixante qui a travaillé là-dedans toute sa vie, même si maintenant elle ne le fait plus. Elle m’expliquait que le milieu a beaucoup changé depuis les 15 dernières années, qu’avant c’était beaucoup de la séduction dans les bars de danseuses et maintenant c’est rendu du sexe. C’est pas rare, tu les vois les jeunes filles et les proxénètes, ça fait partie d’une réalité aujourd’hui et, d’ailleurs, elle était contente qu’on fasse le show pour que ce soit plus vu. J’ai parlé aussi avec d’autres filles, des filles plus de mon âge. Par exemple, il y en a une qui l’a fait [danser nue], mais elle, c’était pour payer son cours de droit [rires], donc c’est complètement à l’opposé. Elle a vraiment fait ça d’elle-même, elle n’avait pas de proxénète, elle faisait ça pour elle et elle allait dans des bars en région parce qu’elle était de Montréal et voulait pas se faire reconnaître. Pour elle, l’expérience était complètement différente. Elle était détachée de ça, elle le faisait vraiment juste pour faire du cash pis elle a payé son cours de droit pis maintenant elle est avocate pis y’a personne qui le sait, sauf moi [rires]! Ça a été intéressant de voir différentes perspectives, de comprendre aussi que le milieu a changé beaucoup puis que c’est vrai, que l’histoire de Fugueuse ça se passe pour de vrai comme ça.

Parlant de réalités méconnues, Natacha est une femme qui travaille avec les proxénètes, une image qu’on n’a pas souvent du milieu. Crois-tu que ton personnage va donner un regard différent au grand public sur le phénomène du proxénétisme?

Je pense que oui, j’espère que oui. Le but de la série, c’était aussi de créer une conversation, de mettre la puce à l’oreille au grand public et de briser les tabous. De comprendre que c’est plus ce que c’était, c’est pas juste des jeunes qui peuvent être plus exposés à ça parce que, je sais pas, ils traînaient dans la rue ou quelque chose comme ça. Maintenant, c’est avec les réseaux sociaux et tout ça pis des femmes comme Natacha, il y en a. Faut peut-être être plus vigilant.

Justement, la série montre bien aussi comment ça peut se produire dans n’importe quel milieu.

Ça peut vraiment arriver à tout le monde. C’est l’adolescence, je pense. C’est un moment, on le sait, qui est difficile pour les jeunes. C’est cette transition-là, d’enfant à adulte, pis le désir de liberté, de vivre des choses intenses, les premières fois que tu tombes en amour… On dirait que, quand tu es jeune, tout est plus dramatique, plus intense.

On voit beaucoup de commentaires de téléspectateurs qui jugent Fanny comme étant naïve, comme s’ils avaient oublié leur propre regard sur le monde à l’adolescence. Penses-tu que la série permettra aux parents de mieux se mettre dans la peau de leur ado?

Oui, je pense que oui et je pense que ça va peut-être même donner aux parents les outils pour réaliser que notre monde a changé. Le monde a tellement changé dans les derniers 60 ans, je dirais, que c’est sûr que les parents sont un peu déconnectés, je pense, de leurs jeunes. On pense qu’ils sont bien indépendants parce qu’ils ont accès à tellement d’informations, mais on est encore vulnérable à cet âge-là. Ça va réveiller beaucoup de gens.

Le public réagit aussi fortement aux scènes de nudité avec Ludivine, mais les scènes plus osées dans lesquelles on te voit ne sont pas controversées. Comment perçois-tu ce double standard?

Je pense que l’âge du personnage a beaucoup à voir avec la réaction de certaines personnes, puis évidemment Natacha, elle est méchante, donc on s’attend à ce qu’elle fasse des trucs qui sont plus choquants. Je trouve que c’est réaliste. Je trouve que la nudité de Fanny est vraie, que ça crée de la conversation. Ça nous fait réaliser nos morales, nos standards. T’sais, c’est correct de faire exploser la tête des gens à la télévision à 9h le soir, on n’a pas de problème avec ça, mais on voit une paire de seins d’une adolescente de 16 ans pour qui c’est normal, qui est active sexuellement, pis on est choqués. Je pense que c’est une des raisons pour lesquelles la série va faire parler le monde, créer de la discussion. On vit dans une période ou c’est important de parler et c’est important d’écouter, plutôt que de juger.

Tu as commencé ta carrière à l’adolescence, mais tu es encore relativement un nouveau visage pour le grand public québécois francophone parce que tu as surtout joué en anglais. As-tu l’impression d’être en train de connecter davantage avec le public d’ici?

Oui, ben oui! Je suis contente! Ça fait longtemps que j’en rêve, j’ai toujours voulu revenir. Je suis jamais vraiment partie, j’ai toujours eu un agent au Québec, j’ai toujours voulu auditionner au Québec, mais quand t’es pas là, c’est un petit peu plus difficile. J’ai l’impression de connecter [avec le public], je suis super heureuse d’avoir cette opportunité-là.

Et pourquoi n’avais-tu pas beaucoup travaillé au Québec jusqu’à maintenant?

Ça a comme pas adonné! Le premier long-métrage que j’ai fait, j’avais 14 ans, ça s’appelle Winter Lily, c’est un film en anglais. Je parlais pas beaucoup anglais dans le temps, ça m’a même pris un coach de diction en anglais pour jouer dans le film et pour m’expliquer mes textes et tout ça. […] Après ça de fil en anguille, j’avais plus l’opportunité de jouer en anglais. Quand est venu le temps de faire mes études, comme j’avais travaillé plutôt en anglais, ben je me suis : « J’ai envie d’aller voir les grandes écoles de théâtre ailleurs, je parle la langue donc pourquoi pas en profiter ». J’ai appliqué à plusieurs écoles et finalement je me suis retrouvée à New York au Neighbourhood Playhouse. De là, évidemment, la carrière a continué dans cette direction-là.

Tu vas jouer dans le premier long-métrage de Monia Chokri. Est-ce que le tournage commence bientôt?

Moi, je commence à tourner au mois de mars. Je joue une des amies d’enfance d’Anne-Élisabeth Bossé [qui incarne le personnage principal]. Elle retrouve un groupe d’amies à un moment donné dans le film et je suis une de ces filles-là. Et c’est une anglophone [N.D.L.R. Kimberly joue également une anglophone dans Féminin/Féminin]!

La prochaine saison de Féminin/Féminin va commencer bientôt aussi. Qu’est-ce qu’on pourra voir de ton personnage dans cette deuxième saison?

Le couple Anne et Alex, dans la première saison, elles tombent amoureuses et elles sont pas trop certaines parce que c’est des meilleures amies et Alex ne pensait pas qu’elle était lesbienne, donc ça crée un peu un malaise. Chloé Robichaud est excellente à créer des beaux malaises! Dans la deuxième saison, on est vraiment rendu un couple fusion. On se lâche pas, c’est le grand amour, mais finalement on réalise qu’on est peut-être un peu trop collées l’une sur l’autre et on questionne notre indépendance. Chloé, j’adore travailler avec elle. La saison est le fun, y’a beaucoup d’humour. Les épisodes sont plus longs, donc on a la chance de développer les personnages un peu plus pis d’apprendre à les connaître différemment.

Entre Fugueuse et Féminin/Féminin, tu as l’occasion d’explorer différents personnages et différents tons.

Complètement différents! C’est super le fun de toucher à plein de trucs et de faire travailler mes instruments en tant que comédienne. Je me trouve chanceuse de travailler avec des femmes extraordinaires comme ça. Monia Chokri, c’était comme un rêve de travailler avec elle, j’en revenais pas qu’elle m’appelle. Michelle Allen aussi, qui fait jamais rien à moitié.

 

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