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Le cri du rhinocéros ou quand Marc Labrèche devient documentariste

À la fin de l’été, ICI Radio-Canada annonçait la diffusion du Cri du rhinocéros, un documentaire conçu par Marc Labrèche, qui sera présenté tout d’abord sur ses ondes le 27 novembre avant d’être disponible en ligne sur ICI Tou.tv. L’animateur et comédien s’improvise donc ici documentariste, un rôle qui lui va à merveille puisque le film de près d’une heure se dévore comme un rien, et nous amène à la rencontre d’artistes de divers milieux, aussi bien au Québec qu’en France ou encore aux États-Unis. Munissez-vous de vos lunettes de vue si vous ne maîtrisez par l’anglais, parce que plusieurs entrevues sont sous-titrées.

Après une introduction ridiculement pompeuse qui donne le ton aux touches humoristiques qui parsèment le moyen métrage, Marc Labrèche raconte l’histoire fictive d’Henri Duberger, un artiste qui imitait à merveille les bruits d’animaux, mais dont le cri du rhinocéros a marqué l’imaginaire collectif, le contraignant à restreindre son impressionnant répertoire à cette seule imitation. En plus de donner le titre au documentaire, c’est cette allégorie qui conduit à la première question : un artiste peut-il avoir tout dit?

À partir de là s’enfilent d’abord des réalisateurs, notamment Denys Arcand, Xavier Dolan, François Girard et Denis Villeneuve, puis des auteurs comme Patrice Leconte, Alexandre Jardin, Dany Laferrière, John Irving, Jonathan Franzen ainsi que Frédéric Beigbeder et des musiciens tels que Daniel Bélanger, Ariane Moffatt et Charlotte Gainsbourg. L’interrogation de base se transforme habilement en une conversation sur l’art avec les interventions réfléchies de Marc Labrèche, mais aussi sur l’impression qu’un artiste s’en fait. Est-ce que le public choisit ce qui fait qu’une oeuvre est réussie? Est-ce que le danger est de se sur-estimer ou de se sous-estimer? Quand faut-il s’arrêter, et même, faut-il s’arrêter? Est-ce que le culte de la personnalité bloque les artistes en les limitant, les forçant à se répéter pour plaire?

À cette question, les personnalités interviewées en ont long à dire et s’entendent pas mal toutes pour affirmer que, qu’elles le veuillent ou non, elles finissent par redire la même chose d’une oeuvre à l’autre. Beigbeder rigole en expliquant qu’il cherche constamment à écrire un livre complètement différent pour finalement toujours livrer une histoire avec un homme qui a foiré sa vie. Irving considère que, malgré la répétition dans les thèmes, on peut amener des points différents à chaque fois. Pour le paraphraser, imaginez si Shakespeare avait cessé de marteler sur la royauté! En ce sens, Dolan confirme qu’il pourrait faire chaque année un film sur les relations mère et fils, tandis que Laferrière n’hésite pas à dire qu’il se répète beaucoup aussi.

Si ce n’est donc pas la répétition qui peut indiquer aux artistes qu’il est temps de s’arrêter, serait-ce l’âge? Encore là, c’est assez consensuel : ne pas travailler revient à se laisser mourir pour les personnes interviewées. Arcand souligne d’ailleurs que l’âge ne veut rien dire; Rimbaud était fini à 20 ans et Orson Welles n’a jamais réalisé un meilleur film que Citizen Kane à 25 ans, alors que d’autres artistes passent leur vie avec une carrière modeste avant de produire un chef-d’oeuvre à l’âge d’or. Et si, au final, c’était le culte de la jeunesse qui contraint à se poser toutes ses questions?

Ceux qui ont trouvé le niveau de langage du Gala Québec-Cinéma trop élevé ou qui préfèrent consommer des documentaires-chocs trouveront peut-être le film de Marc Labrèche trop intellectuel, même s’il amène des touches d'humour çà et là, par exemple en traversant l'océan à pied ou en jasant d’extraterrestres, mais aussi à l’occasion dans ses entrevues en usant de sa répartie légendaire. Ce qui est certain, c’est qu’il pose de bonnes questions à des artistes grandioses et obtient des réponses pertinentes, qui se distinguent en étant aussi diverses que semblables.

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