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Waitress: Aussi moelleux qu’une tarte bien chaude

Existe-t-il fumet plus réconfortant que celui d’une tarte chaude fraîchement sortie du four? Peut-être pas!

Dans la comédie musicale Waitress, dont le coup d’envoi officiel vient d’être donné avec une première montréalaise hyper courue, mercredi soir, la pâtisserie fait office de planche de salut vers un monde meilleur pour une cuisinière au morne quotidien. Et le résultat est moelleux comme une pâte feuilletée badigeonnée de guimauve!

C’est une production – entamée par Juste pour rire, puis reprise par ComediHa! dans la foulée des déboires qu’on connaît – particulièrement feel good qu’a mitonnée le metteur en scène associé Joël Legendre, en suivant au pied de la lettre le canevas de la création originale de Waitress, déployée pour la première fois sur Broadway en 2015 d’après le film du même titre de 2007.

Julie Ringuette, Marie-Eve Janvier et Sharon James dans une scène de la comédie musicale Waitress / Crédit : Serge Cloutier

Le texte a été adapté en français bien de chez nous – et les chansons, traduites dans la langue de Molière également –, mais pour le reste, des costumes aux déplacements jusqu’à, bien sûr, la trame narrative, notre Waitress montréalaise (et première mouture en français dans le monde) respecte les contours établis par la metteure en scène d’origine Diane Paulus, sur les musiques de Sara Bareilles. Abbey O’Brien, metteure en scène déléguée, a travaillé de pair avec Joël Legendre pendant tout le processus de conception.

Triste destin… fariné

Dans Waitress, la vie n’est pas rose pour Jenna (Marie-Eve Janvier, parfaite dans ce rôle de femme intelligente, peu flamboyante, mais déterminée sous ses dehors bonasses), modeste travailleuse d’un bled perdu des États-Unis, malheureuse avec un conjoint rustre et possessif. Résignée à son triste sort, Jenna apprend qu’elle est enceinte, et accueille la nouvelle avec l’enthousiasme normalement réservé à un diagnostic d’ITS.

Heureusement, au diner où elle travaille, le Joe’s Pie, sa complicité avec deux de ses collègues féminines agit comme un baume sur sa misère. Dawn (Julie Ringuette), attachante célibataire, et la délurée Becky (survoltée Sharon James) l’entourent de toute leur amitié et la soutiennent dans son malheur.

Aussi, la douce Jenna concocte avec talent des tartes divines qui font le plaisir de toute sa municipalité. «Sucre, farine, beurre», entend-on d’ailleurs scander tout au long de la pièce, comme un mantra que Jenna se répète pour tenir bon.

Quand on lui fait miroiter la possibilité d’un concours de fabrication de tartes (à Springfield, la ville des Simpson!) pouvant lui rapporter un grand prix de 20 000$, Jenna entrevoit la perspective d’un avenir plus étincelant. Un flirt avec son charmant gynécologue lui redonnera également un début de sourire. Mais changer de vie ne se fait pas en criant Splenda…

Marie-Eve Janvier et Jean-François Beaupré dans une scène de la comédie musicale Waitress / Crédit : Serge Cloutier

Beau et sage

De Waitress émanent tendresse, douceur, espoir, courage, solidarité féminine et une touche d’humour adroitement glissé ici et là. Rien de grivois, de choquant, de flyé ou d’irrévérencieux, ici. Ni de grandiose ou de démesuré. Waitress cuisine sobrement du bon sentiment, de la sororité, dans un environnement sage de bleu poudre aux tabliers blancs.

L’histoire, moins mièvre qu’il n’y paraît sur papier, ne s’étire ni ne s’étiole inutilement, qualité à signaler dans une comédie musicale (même si ça demeure tout de même long, 2 h 30 avec entracte). Le joli décor, essentiellement concentré dans le Joe’s Pie et son plancher carreauté typique d’un diner américain, se transforme en quelques mouvements de structures, faisant disparaître et réapparaître les six musiciens en bout de plateforme, au gré des tableaux. Tout l’aspect visuel de Waitress est d’envergure et n’a pas l’air de pacotille.

Le trio d’interprètes principales est solide, même si aucune prestation ne se démarque de façon très notable. Vocalement très en forme, Marie-Ève Janvier réjouit en fin de parcours avec la complainte Cachée au fond de moi, sans que le moment ne soit renversant. Les acteurs masculins tirent bien leur épingle du jeu autour de ce noyau féminin très fort: François Léveillée en Joe, vieux bougon sage protecteur de Jenna, est attendrissant; Jean-François Beaupré en Earl, partenaire immature de l’héroïne, est juste assez pitoyable et détestable, et Jonathan Caron, en Ogie, soupirant de Dawn, fait mouche dans un numéro de séduction très rigolo, peut-être l’une des meilleures vignettes de l’enchaînement.

Julie Ringuette dans une scène de la comédie musicale Waitress / Crédit : Serge Cloutier

Waitress ne fait pas nécessairement lever le party dans une salle. D’abord, parce que ce n’est pas l’objectif, et aussi parce que sa trame sonore n’a pas la notoriété d’une Let the Sunshine In (Hair) ou d’une Mamma Mia! de la franchise du même nom, toutes deux revisitées à Montréal dans les dernières années. Les mélodies pimpantes aux titres parfois étranges une fois traduits, comme Le négatif, Club Bédaine, Dès la première bouchée ou Je t’aime comme une table (?!) chantant le bonheur de popoter, les ingrédients d’une recette savoureuse, la détresse d’un destin difficile ou l’espérance d’un monde meilleur, ne hanteront l’esprit de personne au sortir de la salle.

Tout cela étant dit, Waitress goûte bon la tarte aux pommes de grand-mère un soir d’hiver. Pas étonnant que 40 000 billets se soient envolés avant le lancement officiel des représentations. Le ton est rassembleur, le message, positif, et on en sort le sourire aux lèvres… et l’estomac gargouillant!

Waitress tient l’affiche de l’Espace St-Denis, à Montréal, jusqu’au 28 juillet, et se transportera à la Salle Albert-Rousseau, à Québec, du 10 au 31 août. Pour plus d’informations, on consulte waitresslacomediemusicale.com.

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