Sandrine Bisson renoue avec sa survoltée et attachante Claudette de la série de films de Ricardo Trogi (1981, 1987, 1991) dans 1995, qui prendra l’affiche au cinéma le 31 juillet.
Évidemment, le protagoniste central de Ricardo (Jean-Carl Boucher) étant rendu à 24 ans et fourbissant ses premières armes comme réalisateur, le personnage de la maman est un brin plus effacé dans cette nouvelle histoire. Enfin, façon de parler: disons «moins présente». Car, on le sait, Claudette sait se faire remarquer à chacune de ses apparitions!
Cette fois, la dame, look des années 1990 à l’appui, transpire une bruyante fierté: celle de voir son rejeton faire ses classes à la télévision, à l’émission La course [reproduction de La course destination monde]. De regarder son fils – qu’elle considère évidemment comme le meilleur de tous les participants du concours! – devenir «une vedette» donne toutes les raisons du monde à Claudette de s’exalter! Ses scènes dans le film sont encore et toujours savoureuses.
«Elle est trop fière, et je pense qu’elle a raison! C’est comme si elle vivait ça elle-même. Je trouve ça beau. Que son fils passe à la télévision, c’était grand, dans ce temps-là…», observe Sandrine Bisson, en entrevue avec notre journaliste.
Sans caricature
La comédienne dit approcher avec beaucoup de respect le personnage de Claudette, véritable maman de Ricardo Trogi qui existe toujours. C’est souvent le réalisateur lui-même qui lui ordonne d’ouvrir les vannes et d’insuffler encore davantage d’énergie à Claudette, d’ajouter encore plus de couleur à son interprétation.
«Tant que c’est profondément senti, je me dis qu’il n’y a pas de caricature… parce qu’elle existe! Et la vraie est encore pire! C’est un personnage qui réfléchit après avoir parlé. Il faut qu’elle parle tellement vite qu’elle ne s’entend pas! Elle est entière, elle n’a pas de filtre. Ricardo ne veut pas que je me retienne…», considère Sandrine Bisson.
1995 aborde la réalité d’un jeune qui fait le choix de devenir un artiste et la réaction des parents, souvent sceptique ou craintive. Ici, le papa Benito (Claudio Colangelo) tente de dissuader son garçon de poursuivre dans cette voie, tandis que la maman Claudette anticipe déjà les honneurs et les tapis rouges.
«Claudette m’a beaucoup appris à être mère. Je ne suis pas comme elle. Sauf que ça nous montre un peu ce qui nous manque. Qu’est-ce que je peux donner? Qu’est-ce que je peux ne pas refaire? Mon fils de 15 ans fait de la musique, et jamais je ne lui dirai de se trouver un plan B. Au contraire, je lui dis: vas-y. Ça m’a bien enseigné, je dirais! À l’époque de 1995, il fallait devenir avocat ou dentiste. Les métiers d’art n’étaient pas tellement valorisés au sein des familles.»
Sandrine Bisson perçoit encore à ce jour le rôle de Claudette comme celui qui l’a «mise au monde» professionnellement. Et, pour cette raison, elle s’assure de ne pas en offrir de pastiche dans ses autres projets. Si on lui propose un rôle ailleurs qui ressemble trop à celui de Claudette, elle décline. Voilà pourquoi elle va souvent voir ailleurs si elle y est, dans des courts métrages et des webséries, par exemple, pour s’assurer de ne pas se répéter.
«Juste pour me rediriger. Je trouve que c’est mieux réfléchi pour ne pas être complètement associée à ça. Claudette n’a pas besoin d’avoir une pâle copie dans quelque chose d’autre. Même dans Le temps des framboises, [le réalisateur] Philippe Falardeau m’avait dit de ne pas aller là. Si je parle trop vite et trop fort, Claudette est proche», précise-t-elle.
«Je ne veux jamais refaire une Claudette, par respect pour ce qui m’a donné la vie. D’appartenir à un groupe de création, chapeauté par Ricardo Trogi, c’est fort, dans une vie. D’avoir la chance de grandir en même temps que son art, aussi.»
De son partenaire de jeu Jean-Carl Boucher, Sandrine Bisson affirme qu’il est un «petit gars intelligent, devenu un adulte intelligent».
«Il aurait pu devenir imbu de lui-même, il aurait pu se scraper la vie. Mais, non. Il est en amour avec cet art-là. Il est un peu devenu Ricardo! [Jean-Carl Boucher est également réalisateur en plus d’être comédien, NDLR]. Il fait partie des trois ou quatre personnes que je me permettrais d’appeler si un jour le téléphone ne sonnait plus pour moi…»
Et comment, encore à ce jour, Claudette Trogi réagit-elle à l’incarnation que fait Sandrine Bisson d’elle-même?
«Elle est fière et contente de voir ça, parce qu’elle dit qu’elle est bonne! (rires) Je la vois à chacune des premières de films; je lui laisse la place et je suis retirée dans mon coin. Je suis contente qu’elle prenne ma place, et elle est fière! (rires)», complète l’actrice, qu’on voit actuellement dans la relecture de Moi… et l’autre sur les planches, et qui s’apprête à tourner pour la première fois en anglais dans un court métrage d’un réalisateur iranien.