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Moi… et l’autre en 8 secrets!
Crédit: Serge Cloutier

Le regretté auteur Gilles Richer serait probablement fort ému de constater que son Moi… et l’autre de 1966 est encore bien vivant en 2024.

D’abord grâce à ICI ARTV, qui alterne les rediffusions de la première et de la deuxième mouture (1995) de sa comédie-culte, puis en raison de la pièce de théâtre qui prend l’affiche au Théâtre du Vieux-Terrebonne pour le mois de juillet, et partira ensuite en tournée à l’automne et en 2025. Sa fille, la comédienne Isabel Richer, a consenti à partager les droits du petit monde créé par son papa aux Productions Martin Leclerc et à ComediHa!, qui, après avoir proposé un Symphorien au goût du jour, ont façonné une fresque typique d’un théâtre d’été pour Moi… et l’autre, où les portes claquent et où les quiproquos se multiplient.

Dans cette relecture signée Kim Lévesque-Lizotte, campée en plein Expo 67, Dodo (Juliette Gosselin) et Denise (Alexa-Jeanne Dubé) se crêpent le chignon autour de leur propriétaire anglophone, de la vedette française Hébert Léotard – parodie d’Herbert Léonard! – (David Corriveau), d’un concours soldé par un voyage à Paris, d’une voisine militante… Le duo survolté n’en est pas à un obstacle près dans son amitié tissée serré! Marc St-Martin endosse les habits du concierge Gustave, tandis qu’Henri Chassé devient le conservateur Monsieur Lavigueur.

Voici un aperçu de la pièce, en 8 faits à signaler. Pour en savoir plus sur la production et vous procurer des billets, consultez le moietlautre.comediha.com.

Alexa-Jeanne Dubé, Kim Lévesque-Lizotte, Juliette Gosselin lors d’une répétition de Moi… et l’autre / Crédit : Serge Cloutier

Une histoire originale

L’autrice Kim Lévesque-Lizotte ne s’est pas plongée dans les textes originaux de Moi… et l’autre pour concocter sa trame narrative. Ni ceux des années 1960, ni ceux des années 1990. L’histoire racontée sur scène est totalement de son cru. Elle y a même greffé de nouveaux personnages.

«Je me suis vraiment demandé comment je pouvais passer d’un sitcom en épisodes de 22 minutes pour la télévision, fermés, à une histoire d’une heure au théâtre. Quand je me suis mise à penser aux années 1960, à ces femmes tellement avant-gardistes, en avance sur leur temps, ça m’a inspirée à écrire une histoire collée à l’époque et à ce que représentent Dodo et Denise», a mentionné la créatrice, avant d’ajouter:

«En regardant plusieurs épisodes, je me suis aperçue que plusieurs patterns revenaient : les triangles amoureux, les concours, les femmes plus conservatrices auxquelles les filles sont confrontées, les nouvelles amitiés, la jalousie, les stars… Ce sont les ressorts comiques qui reviennent dans Moi… et l’autre. Avec ces clins d’œil à la série, j’ai pu créer une histoire complète.»

Des recherches de dates

Kim s’est quand même documentée sur la période des années 1960, principalement celle de l’Expo 67, pour rendre son récit réaliste.

«Surtout les dates, la courbe de l’histoire des droits des femmes. Les gens tiennent pour acquis que, Moi… et l’autre, c’était deux femmes libérées pendant la révolution sexuelle; mais le clash entre ce que les femmes vivaient dans leur salon et ce qu’elles voyaient en regardant la série était énorme! Cinq ans avant, les femmes n’avaient pas le droit d’avoir un compte en banque sans la signature de leur mari pour signer des chèques; dans Moi… et l’autre, cinq ans plus tard, les filles sont en minijupes et cruisent des gars.»

Un nouvel entourage

On le disait plus haut, Kim Lévesque-Lizotte a imaginé de nouveaux protagonistes qu’elle a harmonieusement intégrés dans l’univers déjà établi de Moi…et l’autre.

«Sandrine Bisson incarne deux personnages : Mrs Clark, l’épouse du propriétaire de l’immeuble où vivent les filles, qui tentera de se libérer de son mariage, et Francine, une leader d’un groupe appelé Les Joyeux Patriotes, qui est un clin d’œil au FLQ et à la montée du nationalisme dans les années 1960», a expliqué le metteur en scène, Charles Dauphinais.

À titre d’exemple, Sandrine Bisson compare sa Mrs Clark à Stephen Harper, et sa Francine, à une femme qui aurait manqué d’air à la naissance… mélangée avec Manon Massé!

«Sinon, Joëlle Paré-Beaulieu joue Johanne, la tenancière du bar, un cabaret où les deux filles se produisent. Enfin, il y a Hébert Léotard, personnifié par David Corriveau, un chanteur français venu ici pour performer à l’Expo 67 et organiser un concours dont le grand prix sera un voyage à Paris. C’est le prétexte de l’histoire qu’on raconte, la préparation du concours et la compétition qui en découle.»

Sandrine Bisson lors d’une répétition de Moi… et l’autre / Crédit : Serge Cloutier

La voix de Dodo

Tout au long de la pièce, Juliette Gosselin emprunte l’accent et la voix aiguë de Dominique Michel, qu’elle incarne. Un défi substantiel pour la comédienne!

«C’est Juliette qui est arrivée avec la proposition, pour se rapprocher de Dodo», a noté Charles Dauphinais.

«Ça se passe vraiment bien. Quand j’ai fait l’audition, c’est peut-être quelque chose qui m’a aidée. J’avais une facilité à connecter avec le niveau de langue de Dodo. Plus on répétait, plus j’étais capable de parler ainsi pendant six heures d’affilée. Ma voix va très bien; je commence même à rouler mes R dans la vie! (rires) Dodo est partout, en ce moment!», a ricané Juliette Gosselin, précisant avoir regardé une multitude d’épisodes de Moi…et l’autre des années 1960 pour adopter l’énergie et la gestuelle du personnage.

«Mais je veux faire ma Dodo à moi, aussi, en rendant évidemment hommage à celle de Dominique Michel.»

Pas seulement de la nostalgie

Chloé Robichaud réinvente Deux femmes en or au cinéma, les Belles-Sœurs de Michel Tremblay font également le saut au grand écran, Rose «La Poune» Ouellette revit sous les traits de Gabrielle Fontaine dans La Géante au théâtre, Le Matou s’apprête à connaître un nouveau souffle en comédie musicale… Que pensent les femmes du Moi… et l’autre de 2024 de ce vent du passé qui porte présentement nos œuvres artistiques?

Alors que Kim Lévesque-Lizotte estime que la tendance va au-delà de la nostalgie et qu’on ressent réellement le besoin de comprendre d’où on vient, Alexa-Jeanne Dubé, elle, attribue – sourire taquin aux lèvres! – le phénomène à des préoccupations mercantiles.

«Je pense que la question est assez complexe, mais on mise beaucoup sur la nostalgie en ce moment. La génération dominante est encore celle des boomers, et je pense que c’est à cause de ça. On est dans une ère de nostalgie d’un point de vue culturel. Le milieu est plus difficile, il y a beaucoup de coupures; alors, les gens prennent moins de risques et vont vers des valeurs sûres en revisitant nos grands classiques. Ce qui est correct aussi, parce qu’on a un beau folklore et une belle culture. Il y a une question presque sociale derrière ça», a dépeint l’actrice.

«Ce qui était subversif dans Moi… et l’autre, c’est que ces femmes étaient en contrôle de leurs désirs, a renchéri Kim Lévesque-Lizotte.

Elles étaient dans la séduction, osaient faire les premiers pas… Il y a un recul sur les droits des femmes, en ce moment, surtout aux États-Unis, et une montée du masculinisme. Je ne pense pas que les féministes souhaitent retourner dans la rue et défendre leurs droits; on veut juste continuer de vivre notre vie et avancer. Et j’ai l’impression qu’on est pognées pour revivre des trucs qu’on pensait réglés depuis les années 1970! C’est donc encore plus pertinent de retourner dans ces années-là, où les femmes ont fait des bonds de géants, se sont battues pour pouvoir porter la minijupe, prendre la pilule, se faire avorter… pour moi, ce n’est pas juste du bonbon nostalgique qui fait du bien.»

Un point de vue que partage Juliette Gosselin.

«Je trouve que c’est important de rendre hommage à ces femmes. Dodo et Denise étaient très, très avant-gardistes! Elles étaient deux femmes qui tenaient des rôles principaux, sans se définir comme « la blonde », « la sœur » ou « la mère ». Elles étaient drôles, célibataires, actives sexuellement. Elles étaient dans le charme, dans la frivolité, dans le plaisir, à une époque où ça se faisait peu. C’est important de se rappeler d’elles et de les faire découvrir aux générations qui ne les ont pas connues. La force du texte de Kim, c’est qu’il est injecté de notre regard d’aujourd’hui, rempli de clins d’œil à la société actuelle, et on voit comment les choses ont changé… ou pas tant! (rires).»

«Si on retourne dans les journaux d’il y a 50 ans, on a les mêmes problèmes, a pour sa part avancé Sandrine Bisson. La roue tourne, il y a plein d’affaires récurrentes, dans nos vies, dans nos problèmes. Qu’on aille chercher quelque chose de solide pour marquer des références, c’est moins épeurant pour un certain public. On les emmène plus loin et ils ne s’en rendent même pas compte!»

Alexa-Jeanne Dubé, Juliette Gosselin lors d’une répétition de Moi… et l’autre! / Crédit : Serge Cloutier

Des parents fiers!

Juliette Gosselin, 32 ans, et Alexa-Jeanne Dubé, 35 ans, n’appartiennent évidemment pas à la génération bercée par l’humour de Moi… et l’autre. Mais leurs parents, oui!

«Pour moi, ç’a résonné quand j’ai dit à ma mère que j’allais jouer Dodo, et que j’ai vu sa réaction! Mes parents sont évidemment toujours fiers de moi, mais ça fait 20 ans que je suis comédienne, et je pense que c’est la fois où ma mère réagit le plus vocalement à un rôle que j’obtiens! (rires) Elle n’en revenait pas que je reprenne ça. Alors, j’ai compris combien ç’avait été marquant. À chaque fois que je vois les réactions, je comprends à quel point les gens sont attachés à ces personnages-là.»

«J’ai écouté la version des années 1990 quand j’étais enfant, mais je connaissais aussi celle des années 1960. J’avais vu quelques épisodes, parce que ma mère et ma grand-mère étaient très fans de cette émission», a continué Alexa-Jeanne Dubé.

Écrire pour le théâtre

Kim Lévesque-Lizotte, qui a écrit des numéros comiques dans son passé d’humoriste, des séries télé (Les Simone, Virage, Avant le crash, Les bombes), des billets dans certains médias (Urbania), raconte avoir eu, avec Moi… et l’autre, la piqûre pour l’écriture théâtrale.

«Avoir su, j’aurais écrit du théâtre bien avant! J’avais un complexe d’infériorité (rires). Pour moi, le théâtre, c’était autre chose, il fallait avoir fait une école. Mais, c’est l’écriture dramatique que j’ai appréciée le plus, à date, dans ma vie. De me faire dire par le metteur en scène que je pouvais écrire des scènes plus longues, c’était comme si on me disait de manger plus de bonbons ou de faire un autre tour de manège! (rires)»

Et Dodo et Denise, elles?

Dominique Michel et Denise Filiatrault n’étaient pas présentes à la première médiatique de la pièce, jeudi soir. Et ce, même si la production nous a dit avoir fait des pieds et des mains pour que ça soit le cas.

Kim Lévesque-Lizotte, de son côté, n’a pas voulu consulter les deux dames pendant son travail.

«Ça m’aurait mis une trop grande pression, un trop grand vertige, et ça aurait peut-être saboté mon écriture. J’aurais peut-être été moins libre. Mais, là, j’ai hâte de leur parler, et j’espère surtout qu’elles vont aimer ça!»

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