Si vous avez trouvé Mégan Brouillard impertinente lors de son passage à Tout le monde en parle, dimanche dernier, son spectacle Chiendent n’est peut-être pas pour vous. Les sacres vous sillent dans les oreilles? «Un acouphène tu vas faire à soir», prévient la nouvelle sensation en souhaitant la bienvenue à son public. Mardi, au Gesù, celui de sa première montréalaise était de toute façon déjà conquis.
Toutefois, nuançons d’emblée: Mégan ne sacre absolument pas comme un charretier. Quand la vulgarité se pointe le nez dans son propos, c’est qu’elle y a sa place.
Parce que Mégan a la grossièreté fine.
Pertinente, même.
En revanche, s’il vous démange de découvrir une humoriste de 25 ans à la couleur unique, qui assume son accent autant que son bagage de région (Drummondville, n’allez pas l’obstiner comme une dame s’est déjà risquée à le faire), p’tite baveuse à la réplique acérée, intelligente, fille du peuple, pieds sur terre, arrogance fière, textes riches d’expérience aussi personnelle qu’universelle, punchée, franchement drôle et sympathique: zieutez vers Mégan et son décor de lampes sur pied, la valeur est déjà sûre.
Il n’en émerge pas souvent, des singulières comme elle. C’est réjouissant, de sortir d’une salle en éprouvant le sentiment d’avoir fait la connaissance d’un nouveau talent si prometteur. Mégan mène son bonhomme de chemin depuis sa sortie de l’École nationale de l’humour en 2020, s’est farci le circuit des festivals et des chroniques nécessaires à tout début de notoriété, a promu son minois au Prochain stand up, au 5@7 de RDS, à Je viens vers toi, au Gala Mammouth à Bonsoir bonsoir et au micro de Véronique et les fantastiques.
Mais un premier spectacle, c’est le grand test. Et, avec l’aide de Matthieu Pepper pour sa mise en scène et sa script-édition, Mégan Brouillard a su faire de son premier one-woman-show une formidable carte de visite, qui raconte bien la jeune femme dégourdie qu’elle est.
Bienvenue chez Mégan
Chiendent constitue une porte grande ouverte sur son univers. Les membres de sa famille deviennent d’hilarants personnages, de la trempe de ceux qui peuplent nos mondes à tous. Sa grand-mère Monique «su’l nerf», son oncle Dédé qui lui a appris à cracher loin, son frère Matis au Q.I peut-être variable selon les saisons, ses parents, «deux imbéciles», désormais à sa charge, parce qu’elle devient en vieillissant elle-même la mère de maman Sylvie (collée à son iPad) et papa François.
Une famille qui s’aime beaucoup, mais se le dit très peu.
«On a plus entendu le mot ski-doo que je t’aime», avoue Mégan, à la fois candide et mature.
Le phrasé relâché évoquant son emploi d’adolescence au Village Québécois d’Antan surprend une seconde au début. Mais on s’y habitue instantanément, en constatant de quel bois se chauffe la p’tite Brouillard. Ses textes sont tellement suffisamment imagés et joliment tournés pour qu’on ne veuille pas en rater une virgule.
Si le joual était dentelle, il sortirait de la bouche de Mégan Brouillard.
Elle commence d’ailleurs son monologue en discourant sur «le nerf de la guerre de la parlure» et en exprimant avec justesse que ce n’est pas d’où l’on vient qui est important quand on cherche à connaître quelqu’un, mais de qui on vient.
«Ça prend un village pour élever un enfant et une famille pour te le fucker», analyse celle dont les tantes couraient les marchés aux puces, et les oncles, les tires de tracteurs. Elle-même a connu enfance de concours du plus beau pis de vache et de manèges pas trustables.
Les tunes de bière froide et de femmes chaudes, qui écoute ça?
«Nous autres! On écoute ça en faisant brûler des tires!»
Grande magasineuse («Moi, mets une chaudière de pisse à 50% de rabais, et j’y pense»), adepte des «vraies» friperies, pas celles qui servent du lait d’avoine («Une vraie friperie, tu te mettrais rien dans ‘yeule qui vient de là»), Mégan Brouillard a ses critères bien à elle pour l’achat d’un jeans, qui impliquent les gens qu’elle aime, et ceux qu’elle n’aime pas.
En cette période de rectitude politique, l’amour pour les fumeurs de Mégan Brouillard se ressent et fait un bien fou.
Savez, ceux «qui ont les poumons noirs et le cœur à la bonne place», ceux qui sortent en griller une même lorsque branchés à un soluté à l’hôpital?
Qu’elle méprise les élites de Brébeuf et leurs cours de latin (elle peut s’en «câlisser ad vitam aeternam»), qu’elle compare sa vie de célibataire à celle de ses amis en couple – faut dire qu’elle n’attend pas tellement l’âme sœur («J’ai déjà cherché un élastique à cheveux avec plus de rigueur») – qu’elle fasse l’éloge des rides et des cheveux blancs (parce qu’elle n’a pas «assez de small talk en [elle]» pour supporter de trop fréquentes visites chez la coiffeuse), Mégan Brouillard se révèle une perle d’authenticité.
Que c’est inspirant, de l’entendre répéter: «Le temps va me passer dessus, je vais pas me défendre»!
On vous le dit: Mégan Brouillard est le nouveau feu d’artifice dans le ciel de l’humour québécois. Qui pétarade fort, qui en met plein la vue et qui nous donne hâte à sa prochaine explosion. L’ovation bruyante qui a couronné sa prestation, mardi, en disait long.
Charles-Antoine Des Granges: Gros coup de coeur
En première partie de Chiendent, Charles-Antoine Des Granges sera-t-il taxé de grossophobie parce qu’il place son imposante stature (6 pieds 3, 350 lbs) au cœur de son numéro?
Souhaitons que non, parce que son autodérision est plutôt divertissante. On compatit avec le gaillard «plus grand, plus gros, plus large que tout le monde», à qui le papa donnait 10$ par semaine, quand il était jeune, pour compléter 12 «tours du bloc» en marche rapide pour le voir perdre du poids. Son premier emploi de père Noël et une récente tentative de faire un tour de Goliath, à La Ronde, lui fournissent également beaucoup de matière comique.
Mégan Brouillard présente son spectacle Chiendent en tournée partout au Québec.
Visitez son site Web (meganbrouillard.com) pour toutes les dates.