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Mâle alpha, de Louis T: C’est beau, un homme! Mais…

Son passage à Tout le monde en parle, dimanche dernier, laissait entendre que Louis T, dans son nouveau spectacle, allait se complaire dans l’étalage d’une angoisse de vieillir remâchant des clichés vieux comme le monde sur l’âpreté de la digestion et du sommeil passé 40 ans.

Ou dans une thérapie bon marché à la morale un peu mièvre sur la douleur d’être homme en ce monde cruel.

Mais, soyez sans crainte, Louis T n’a pas sacrifié sa fibre politique cynique et engagée pour se proclamer nouvel héritier de Guy Corneau, ou de François Massicotte et Peter MacLeod au niveau de l’humour facile. Mâle alpha, troisième one man show de celui qui, ironiquement, se définit comme l’antithèse du portrait qu’on s’imagine du mâle dominant suintant la testostérone, est plutôt une observation au sens large de la condition masculine, une réflexion amusée autour de ce que vit l’homme en 2024. De ce qui le préoccupe, le confronte. De ses améliorations et ses évolutions. De ses gaffes et ses faiblesses.

«La vie est difficile pour les hommes, dangereuse pour les femmes», résume-t-il après une ouverture abordant son manque de courage (il n’aurait jamais le cran d’aller à la guerre), son hésitation à se clamer fier d’être homme (il préfère l’appellation «content», on le laissera vous expliquer pourquoi) et où il condense bien les symptômes physiques du temps qui passe (quand l’ail devient une drogue du viol, ou qu’on doit choisir entre une entrée de pain ou un orgasme en fin de soirée lors d’un repas en couple au resto…) Son affirmation, étayée d’arguments pertinents, est percutante et donne le ton.

Louis T sur scène lors de la première montréalaise de son troisième spectacle, Mâle alpha / Crédit : Serge Cloutier

Le tour de la question

Louis T se moque donc de lui-même et taquine ses semblables sans méchanceté dans cette analyse sociologique à petite échelle fidèle à son style, implanté auparavant sur scène dans Objectivement parlant (2017), Vérités et conséquences (2019) et Sexe, politique et pandémie (2022) (ce dernier spectacle n’ayant vécu que sur le Web dans la foulée des confinements dus à la COVID-19). Le propos ne déborde pas toujours d’originalité, mais Louis T manie encore avec grâce le stand up de constatation et nous sort des sempiternelles anecdotes qui fournissent souvent la matière aux humoristes.

Au Théâtre Duceppe, où Louis T présentait Mâle alpha en première médiatique devant collègues et amis, mercredi, ça riait parfois jaune ou de malaise. Comme lorsque, jasant de paternité tardive, citant l’exemple de René Angélil, il a triomphalement annoncé avoir mis le doigt sur le «petit quelque chose de bizarre» de René-Charles: «Il a été dégelé!».

Idem pour son questionnement à voix haute sur le mot «mongole»; à la demande de qui a-t-il fallu arrêter de l’utiliser, celle des habitants de la Mongolie, des personnes touchées par la Trisomie 21 ou des personnes idiotes? Puis, on a presque senti des protestations s’élever dans la salle lorsque Louis T a décrété que la réussite et l’exécution de l’acte sexuel reposent grandement sur les épaules de l’homme et que la pression est plus grande sur celui-ci à cet égard.

«C’est glissant, hein!», a hasardé notre hôte, sentant le sujet sensible.

Pas peureux, il a enchaîné avec l’image de l’homme-tronc pour illustrer son point…

N’échappant jamais son fil conducteur (on salue la cohérence, la clarté et la fluidité de la prestation) Louis T s’avère parfois très inspiré, comme lorsqu’il discourt des trans (dont il n’a rien à foutre), des trans aux Olympiques (dont il n’a encore plus rien à foutre) et, de manière plus large, de tous les groupes marginalisés – selon lui – de la société (les laids, les gros, les boomers, les trans…) qu’il associe habilement à l’acronyme LGBTQ. Il peut aussi être très niais. L’envie de «ch*er» revendique honorablement sa place dans ce long monologue de 90 minutes. Utiliser nos fesses comme GPS, vraiment?

Mais, on était prévenus : Louis T allait exploiter, dans Mâle alpha, tous les recoins de la masculinité, qu’elle soit toxique («un concept de peu de mots», considérant le peu de verbe de certains de ses représentants) ou pas. Et il fait presque entièrement le tour de sa question. La vasectomie, l’intelligence de ses deux petits garçons (il les préférerait «imbéciles heureux»), le «congé de séparation» qui devrait être octroyé aux hommes ne sachant pas réagir à la rupture (d’ailleurs, pour qui croyez-vous que le Canadian Tire vend des draps, si ce n’est pour les hommes séparés?) et tout ce qui est aujourd’hui «mieux qu’avant», comme l’implication (encore relative, il semble en convenir) du père dans les responsabilités familiales (Louis T passe le balai chez lui, mais le laisse traîner ensuite pour que sa conjointe le félicite, il emmène les petits à leurs rendez-vous médicaux sans connaître leurs bobos), en plus de son propre trouble du spectre de l’autisme: Louis T a visiblement beaucoup étudié son objet de recherche avant de monter sur les planches pour nous en documenter la conclusion.

Cela dit… en est-il fier?

Louis T sur scène lors de la première montréalaise de son troisième spectacle, Mâle alpha / Crédit : Serge Cloutier

Talentueuse Jessica Chartrand

En levée de rideau, l’étoile montante Jessica Chartrand, dont le nom s’impose graduellement dans les galas d’humour et en première partie de ses collègues, a été efficace avec un texte traitant essentiellement de son lesbianisme et de l’homosexualité de son papa, avouée sur le tard. C’était excellent.

L’humoriste Jessica Chartrand assure la première partie du spectacle de Louis T, Mâle alpha / Crédit : Serge Cloutier

En fait, elle a été aussi efficace que l’an dernier, le 21 novembre 2023, au Gesù, lorsqu’elle avait réchauffé l’ambiance à la première de Pelote, le spectacle de Michelle Desrochers, où elle nous avait servi à peu près le même numéro, à quelques phrases près. Jessica Chartrand semble bourrée de talent; ne lui restera qu’à peaufiner et à renouveler son matériel un brin…

La tournée Mâle alpha, de Louis T, s’arrêtera un peu partout au Québec dans la prochaine année.

Visitez le site Web de l’humoriste (louist.ca) pour toutes les dates et ne manquez pas les photos de la première!

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