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La nouvelle Marie-Mai [ENTREVUE]

En quatre ans, c’est toute une vie qui a changé pour Marie-Mai. Sa rupture avec Fred St-Gelais, sa nouvelle relation avec David Lafèche, l’arrivée de bébé Gisèle et son étonnant départ des Productions J, avec qui elle était depuis ses débuts, en 2003… À 33 ans, l’auteure-compositrice-interprète vit une ère de grands changements, une véritable renaissance, qu’elle décrit sans détour dans son nouvel extrait Empire, lancé tout juste hier. Le terrain est désormais bien préparé d’ici à l’arrivée de son nouvel album, qui sortira le 28 septembre prochain. Entrevue avec une artiste nouvelle et plus forte que jamais.

Quatre ans, c’est long, particulièrement pour une hyperactive comme toi. Qu’est-ce qui a justifié une aussi longue absence?

« J'avais un désir de vraiment me repositionner dans ma carrière, parce que pendant 15 ans, ça a juste roulé tout le temps, ça n'a jamais arrêté. Je n'avais même pas le temps de me poser de questions, à savoir si ça allait bien, si j'aimais ça. C'était vraiment comme une machine qui va vite, et c'était parfait comme ça. C'était vraiment comme ça qu'il fallait que je fasse les choses pour me rendre là où je voulais me rendre, mais à un moment donné, les années passent et tu te réveilles et tu te dis : «Ok ça fait 15 ans que je n'ai pas arrêté, que je ne me suis pas posé de questions, que j'ai fait confiance à tout le monde autour de moi». J'ai fini par me demander si j'étais toujours en accord avec moi-même. Est-ce que ce que je dis, ce que je fais et qui je suis, c'est encore sur la même longueur d'onde? Puis, je me suis rendu compte qu'il y avait des décalages. Alors, j'ai pris des décisions personnellement et professionnellement qui m'envoyaient dans une direction différente. Avec le vécu, les choses que j'ai apprises dans les dernières années, c'est sûr que je ne suis pas la même personne. C'est sûr que mon discours change, parce que ce que j'ai vécu, bien tabarouette ça rentre dedans pour le meilleur et pour le pire. Là, je me sens vraiment sur mon X, je me sens à la bonne place, je suis entourée des bonnes personnes pour m'aider aujourd'hui, demain et je sens que j'ai comme un canevas blanc et j'essaie de mettre les couleurs que je veux. »

Serge Cloutier

Pendant cette longue pause, tu as aussi eu un bébé, la petite Gisèle, qui fêtait récemment son premier anniversaire. Comment la maternité a influencé ton processus créatif?

« C'est du 9 à 5 maintenant! Avant, je pouvais écrire à 3h du matin, et là à 3h du matin je pense à me réveiller! Mais au-delà de tout ça, ça m'a donné envie de transparence. Ça m'a donné envie d'inspirer ma fille. Pendant longtemps je voulais être un bon modèle, je voulais que mes fans me trouvent bonne, je voulais être parfaite pour eux, je voulais tout faire pour eux. Je me mettais de la pression sur les épaules et plus je me mettais de la pression, plus les gens me mettaient de la pression et je n'avais pas le droit à l'erreur. Quand je faisais quelque chose de pas correct, c'était la fin du monde. Et je suis humaine. J'ai le droit de faire des erreurs, j'ai le droit de prendre des décisions pour moi, de m'assumer, d'être une femme et de ne pas m'excuser pour qui je suis, mais dans le pattern où j'étais, j'étais un peu coincée. Donc c'est sûr que la maternité pour moi ça me donne le goût d'être un bon exemple pour elle. C'est elle que je veux impressionner, c'est elle qui va me regarder et qui va se dire : «Wow, ma mère elle sait ce qu'elle veut dans la vie, elle a de la drive, elle fonce et elle n'a pas froid aux yeux». Ça, pour moi, ça change la dynamique. Ça me permet de faire les choses pour moi, avec mon cœur et pour elle. »

Après 15 ans avec les Productions J, tu annonçais en mars dernier ton départ de la compagnie de disque avec laquelle tout a commencé. Quel a été le déclic qui a motivé cette grande décision?

« Moi, je suis une fille d'équipe. Je carbure aux idées, aux gens qui me poussent à me dépasser. Ça, c'est ce qui me plaît le plus dans la vie. Pendant longtemps, c'était ça chez Productions J. On avait une équipe de malade, on faisait des brainstorms, c'était fou. Ça a vraiment été une époque charnière incroyable. Puis, après ça, ça a quand même un peu changé, Productions J. Julie Snyder veut faire beaucoup de télévision et elle est bonne là-dedans. C'est là-dedans qu'elle brille et c'est sa passion première. Et là, je sentais que c'était moins une équipe pour moi. Ça m'a ouvert les yeux et je me suis dit que je devrais peut-être devenir le capitaine de mon bateau et je devrais faire le saut. Ce n'est pas le fun, une séparation, que ce soit personnel ou professionnel. Mais Julie, je crois sincèrement qu'elle a compris pourquoi j'ai fait ça, puisque elle à un moment donné, elle l'a fait ce saut-là. Elle est devenue sa propre boss et elle a ouvert Productions J en fonçant dans le paquet et en montrant à tout le monde ce qu'elle était capable de faire. Quand elle m'a vue aller dans cette direction-là, c'est sûr qu'il y avait une partie d'elle qui comprenait. »

Serge Cloutier

Outre ta rupture avec Productions J, tu as également vécu une grande rupture personnelle et professionnelle avec Fred St-Gelais. Comment cela t’a-t-il affectée?

« Quand je regarde en arrière, c'est tellement parfait ce qu'on a fait ensemble. C'est magnifique et je ne pourrai jamais recréer ça même si j'essayais. Quand je regarde en arrière, la seule chose que je peux faire c'est mettre une petite boucle là-dessus et être fucking fière de ce qu'on a fait ensemble, et le garder dans mon cœur parce que c'est précieux. Après ça, moi je suis une fille qui regarde en avant, et je me retourne et je me dis : «OK, qu'est-ce que je fais maintenant? Comment je tourne la page? Comment j'agrandis mon champ de vision? Comment j'évolue en tant qu'artiste, comment j'ai envie de faire les choses, comment je me redéfinis?» Je me suis posé tout un tas de questions et j'ai rencontré un paquet de gens qui m'ont apporté des choses, qui m'ont appris un peu. J'ai rencontré un super réalisateur avec qui je fais mon album qui est hallucinant, qui ne me connaissait même pas et qui ne parlait pas un mot de français et qui n'avait aucune idée préconçue de ce que je devais faire musicalement, il voulait juste avoir du fun avec moi. À partir de ce moment-là, je suis retournée à la base et j'ai pu faire ce que j'aimais le plus au monde. »

Il y a quelque temps, la rumeur courait que Fred et toi ne seriez pas en très bons termes. Êtes-vous toujours amis?

« Oui absolument! Il m'a écrit un message ce matin quand il a entendu la toune! »

Serge Cloutier

Ton amoureux, David Laflèche, est un directeur musical talentueux dont on pourra entendre la contribution sur ton prochain album. Qu’est-ce que cette relation t’a apporté, musicalement et personnellement?

« David, son apport n'est pas nécessairement musical. Même si oui, il fait de la musique et c'est sa job, l'apport qu'il a dans ma carrière va au-delà de la musique. C'est vraiment au sens large de ma carrière. Il m'aide à prendre des risques, à me faire confiance, à m'encadrer, à me protéger dans toutes les négociations, les contrats, les avocats, une chance qu'il est là! Moi, ce n'est pas là-dedans que j'excelle. C'est une personne extrêmement intelligente qui fait de la direction artistique au sens large. »

La parité hommes-femmes est sur toutes les lèvres ces temps-ci, et à juste titre. As-tu déjà vécu des situations frustrantes en tant que femme dans l’industrie de la musique?

« C’est une très bonne question. J'ai été chanceuse par le passé, vraiment, d'être entourée de gens qui croient en moi beaucoup. Je n'ai pas senti qu'il y avait un préjugé envers moi parce que je suis une femme et que je fais de la musique. Là où peut-être, et je ne peux même pas te garantir que ça joue dans la balance, mais là où moi j'ai senti qu'il y avait sans doute un décalage, c'est quand on a remis en question si j'étais capable d'écrire des chansons toute seule. Les gens se disaient : «Sans Fred, est-ce qu'elle va être capable»? C'est peut-être parce que je suis tellement flamboyante, que je mets mes shows de l'avant et que j'ai une image forte alors on met tout en avant du fait que je suis une auteure-compositrice. Mais c'est sûr que j'ai trouvé ça dommage qu'après 15 ans où je dis à tout le monde que je suis auteure-compositrice, là on remet ça en question. C'est sûr que c'est plate. Je me suis dit : «Est-ce que j'ai passé 15 ans à expliquer qui je suis pour que finalement on ne me connaisse pas si bien que ça?» Si les gens me connaissaient, ils sauraient que j'écris mes chansons. Il y a eu toute cette remise en question là, mais je ne sais pas si c'est parce que je suis une femme. J'ai été chanceuse, c'est ça la vérité. »

 

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