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En feu: Silvi Tourigny, moins beige que Carole
Crédit: Serge Cloutier

Il y a Silvi Tourigny, rigolote, décontractée, un tantinet (gentiment) caustique. Et il y a Carole, son personnage-signature, presque davantage connu qu’elle-même, dont le style est publiquement éprouvé et qui déçoit rarement… Surtout les grands cyniques de ce monde.

Comment, dans son premier spectacle, En feu (lancé en première montréalaise à l’Olympia mercredi), l’humoriste pouvait-elle jongler entre sa propre personnalité et son alter ego? Comment exposer ses véritables couleurs personnelles tout en laissant un digne espace à Carole, nécessairement attendue par le public et assurée de créer son effet, en évitant d’être éclipsée par ce «rayon de soleil en jogging (…) porte-parole du col roulé» (dixit la voix hors champ de l’Olympia)?

Silvi Tourigny dans son personnage de Carole, à la première de son one woman show En feu, à l’Olympia de Montréal, le mercredi 21 mai 2025 / Crédit : Serge Cloutier

Silvi Tourigny a eu l’idée lumineuse et très habile de confier la première partie d’En feu… à Carole. Pas de malaise, pas d’éléphant dans la pièce, pif paf, Carole la «spécialiste en tout genre» envoie promener le parterre de deux, trois verbes, fait entonner «Bonne fête face de c*l» à un spectateur, enjoint la foule d’hurler «Carole», «Ah oui» et «Encore», et la question est réglée.  

Et Silvi, la très féminine et assumée artiste de 42 ans, une fois entrée en scène, ouvre ensuite son monologue d’une quatre-vingtaine de minutes en expliquant combien le personnage de Carole lui est devenu lourd à porter, à un certain moment de sa carrière. Silvi était jalouse de Carole, au point de consulter une psychologue (AVEC Carole?!?) pour briser l’animosité.

La «sémillante» Carole reçoit donc la lumière méritée… et Silvi Tourigny aussi (et surtout).

Silvi Tourigny dans son spectacle En feu, à l’Olympia de Montréal, le mercredi 21 mai 2025 / Crédit : Serge Cloutier

Pour le reste, comment elle s’en tire, Silvi, en solo et flanquée du sourire qui fait défaut à sa jumelle fictive?  Pas mal du tout. Il serait surprenant qu’En feu imprègne à jamais les annales de l’humour québécois, avec ses sujets triviaux déjà exploités par des confrères et consœurs. Pas de grande audace ici, entre un gag de «beachclub dans ‘pl*tte» à moto et un autre sur la grosseur des muffins du Costco.

Aucune controverse sérieuse ne devrait émaner de la tournée En feu de Silvi Tourigny. Vous l’aurez lu ici.

N’empêche, le charisme est là, et le style très rassembleur de miss Tourigny pourrait plaire un peu à tout le monde et son frère. En feu est une pure première carte de visite exposant plusieurs parcelles de la personne qu’est Silvi Tourigny, sans toutefois en révéler pour la peine. On saute beaucoup du coq à l’âne sans réellement s’attarder à un aspect tangible.

Silvi Tourigny dans son spectacle En feu, à l’Olympia de Montréal, le mercredi 21 mai 2025 / Crédit : Serge Cloutier

Papa Lucien qui se fait appeler «ti-pit», le manque d’aisance de papa et maman (qui ont fait une offre d’achat sur une maison au Village Québécois d’Antan) avec la technologie, fiston qui rêve de vacciner des lézards (après avoir souhaité devenir détecteur de fumée) et qui a parfois de drôles d’habitudes, l’ex dur à cuire travailleur de la construction à la couille oubliée lors de sa vasectomie : le lieu commun est agréablement revisité façon Tourigny. On ne se tord pas automatiquement de rire, mais c’est vachement sympathique.

Manque de profondeur? Certainement. Mais la rouquine en est à son premier vrai barbecue. Laissons-lui la chance d’identifier ses forces. Certaines d’entre elles résident certainement dans sa belle folie, dans sa non crainte non feinte du ridicule, de plus en plus sollicitée au fil des numéros.

Parce qu’aux trois quarts d’En feu, le ton se mature et se pimente. On passe, dans une rupture de ton spectaculairement brutale, de la vasectomie et d’une ancienne vie en santé animale aux femmes qui se déhanchent de manière un peu trop sexy sur les pistes de danse. Ses démonstrations sur divers extraits musicaux (incluant le jingle de Barbies resto bar grill) sont délicieuses.

Silvi Tourigny dans son spectacle En feu, à l’Olympia de Montréal, le mercredi 21 mai 2025 / Crédit : Serge Cloutier

Suit l’aversion de Silvi pour les «trains» (systématiquement initiés par des femmes, remarque-t-elle) dans les partys. Le récit apparemment vécu d’un éternuement en prodiguant une p*pe. De certaines tranches de sa vie sexuelle d’antan avec l’ancien amoureux, incluant une virée au club échangiste… et d’un exercice de pole dancing  plutôt bon enfant.

En moins de deux heures, Silvi Tourigny nous entraîne de l’univers «drabe» et beige de sa Carole à une grivoiserie amusante (pas très choquante). Sans contredit, Silvi Tourigny est beaucoup plus que l’interprète de Carole, et elle le prouve dans En feu.

Prochain défi? Asseoir totalement sa propre personnalité. On a compris que Silvi Tourigny peut être drôle sans col roulé ; faudra désormais cristalliser complètement son essence unique.

Silvi Tourigny présente En feu en tournée partout au Québec. Consultez son site Web (silvitourigny.ca) pour toutes les dates.

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