Ahh Caramel… : Enterrer la hache de guerre avec Martin Vachon
Marie-Josee R RoyMartin Vachon dévoilait en première montréalaise son deuxième spectacle, Ahh Caramel…, à L’Olympia de Montréal, mercredi soir.
Son premier one-man-show, éponyme, avait été lancé au Théâtre St-Denis (maintenant Espace St-Denis) le 21 novembre 2018. Il y a donc six ans. Une éternité, entrecoupée d’une pandémie mondiale et de combien de frasques de Donald Trump, entre autres.
L’auteure de ces lignes se souvient néanmoins très bien de ce fameux 21 novembre.
Parce que l’auteure de ces lignes, alors employée d’un gros empire médiatique, avait été très sévère à l’égard de Martin Vachon dans son compte rendu du spectacle.
Rien pour blesser l’individu à titre personnel. Évidemment! Le rôle d’une critique n’est jamais de varloper violemment un être humain pour le plaisir de la chose. La critique juge une œuvre et son contenu, la décrit le plus fidèlement possible et l’évalue avec toute l’objectivité envisageable. C’est tout. Rien de personnel.
L’article intitulé «Du remâché et du réchauffé pour Martin Vachon» n’avait rien, mais absolument rien à voir avec la personnalité attachante et sympathique de Martin, qu’on imagine comme le bon bougre qui fait lever les partys de famille les plus ennuyants. Comme l’oncle rigolo qui fait s’esclaffer les ados ou le gendre idéal que toutes les dames âgées voudraient voir épouser leur petite-fille.
Mais le thème général du rendez-vous tournait beaucoup autour du bas de la ceinture et ça devenait un tantinet redondant.
Semble-t-il que le principal intéressé avait été sincèrement blessé de ces mots durs. Pas outré par orgueil mal placé comme d’autres l’auraient été; sincèrement peiné, avons-nous compris. Cela dit sans le moindre sarcasme: Martin Vachon donne l’impression d’être un grand sensible (nous y reviendrons).
C’est la cruelle réalité du métier d’artiste: l’exposition à tout vent aux commentaires négatifs. Qu’ils soient bourrés de fautes d’orthographe sur les réseaux sociaux ou savamment tournés dans un papier journalistique.
«L’affaire» a longtemps suivi l’auteure de ces lignes. Publicité ironique imprimée dans un quotidien à vaste tirage, moqueries ciblées au balado Sous Écoute de Mike Ward, taquineries par des collègues: les critiques, il ne faut pas simplement les écrire, il faut les assumer entièrement par la suite. L’auteure de ces lignes (encore elle) l’a appris comme jamais grâce à Martin Vachon. Message reçu!
On n’utilisait pas, plus haut, le mot «bougre» par hasard: celui-ci était contenu dans l’article «litigieux» et avait beaucoup amusé Mike Ward et ses complices du moment à Sous écoute. Soyons bons joueurs et inclinons-nous.
Octobre 2024, l’heure de la première de Ahh Caramel… de Martin Vachon approche.
Ô, surprise: aucune invitation pour l’événement dans la boîte courriel de l’auteure de ces lignes.
Vous comprendrez l’écorchure d’ego de cette dernière en constatant la méprise.
Une absence d’invitation à une première de spectacle, pour une journaliste culturelle, équivaut au moins à la douleur d’une mauvaise critique pour un humoriste. Peut-être même pire. Quand l’intérêt public est en jeu, il faut réagir! (Bon, on exagère. Mais si peu.)
Vérification fut faite promptement auprès du producteur Groupe Entourage.
Qu’on se rassure illico: c’était un simple problème d’envoi de courriels.
S’il avait fallu.
Invitation fut sitôt dûment reçue. Merci, Groupe Entourage!
Folie retenue?
C’est le cœur rempli de bonnes intentions et, surtout, d’espoir que ce nouveau cru de l’animateur de Combien tu m’aimes?, à Noovo, soit hilarant, ou, du moins, supérieur à son premier effort, que l’auteure de ces lignes (toujours elle; c’est son texte, après tout!), s’est donc pointée à L’Olympia, à quelques minutes de 20h, mercredi.
Déjà, l’interminable file d’attente de spectateurs qui longeait l’établissement, tournant même le coin de la rue Saint-Timothée, à côté, et bien au-delà, était d’excellent augure. Mauvaises critiques ou pas, Martin Vachon est populaire. Effet Big Brother Célébrités (où il a été participant à l’édition 2022), ici?
Deuxième bonne nouvelle: Ahh Caramel… est effectivement plus consistant que son précédent opus. Martin Vachon, en tant que comique, commence à trouver le filon qui lui est propre. À asseoir sa personnalité. Son bagage d’acteur n’est certainement pas étranger à son aisance grandissante; il bouge beaucoup sur scène, ne ménage pas les mouvements.
D’ordre général, son style se réclame peut-être davantage de celui des vedettes des années 1990 à la François Massicotte ou Mario Jean que de l’audace de jeunes pousses comme Pierre-Yves Roy-Desmarais ou Mégan Brouillard. Ce n’est pas un reproche: bien des spectateurs se régalent encore de l’anecdote brute du «plancher des vaches», parfois simpliste, tout bonnement bien racontée. Vachon a du succès à ce niveau, ça se voyait et s’entendait dans la salle comble de L’Olympia.
Il y a encore, dans Ahh Caramel… beaucoup de gags de bijoux de famille. Mais ils sont mieux enrobés, voire davantage justifiés.
Misant beaucoup sur l’autodérision, l’hôte table sur ses peurs au fil de ses numéros. Son animation en costume d’Adam du documentaire Le monde est à nu, à TV5, sa vasectomie («comme la vraie version du jeu Opération»), ses deux garçons (très bon segment, alors qu’il illustre combien ses héritiers peuvent être turbulents), son chien, ses palettes arrachées, le délirium de son papa (un terreau qui aurait pu être fouillé encore plus en profondeur), ses angoisses qu’il affronte désormais.
Ahh Caramel… met abondamment en relief l’anxiété du nouveau quadragénaire. «Catheriiine, j’paniiiique!», crie-t-il apparemment souvent à sa conjointe (et à sa foule pendant sa prestation). Une anxiété qui le rend peut-être spécialement fragile à la critique…?
Puis, à la toute fin – mercredi, ce fut après les remerciements d’usage – arrive LE moment de la soirée. Celui sur lequel Martin Vachon devait capitaliser encore davantage. Celui qui, donne-t-il l’impression, fait ressortir le meilleur de sa personnalité d’artiste.
Ça n’a rien d’exceptionnel: relatant craindre le fait de vieillir, Vachon annonce qu’il célébrera son anniversaire à chacune de ses représentations, balance des flûtes à l’assistance et enjoint celle-ci de lui entonner un hymne de circonstance. S’ensuit une joyeuse cacophonie (faut y aller pour comprendre pourquoi).
Ce genre de «niaiseux», lorsque exploité à la couleur typique d’un amuseur comme lui, peut être drôlement efficace. Ce le fut mercredi. L’éclat de rire de l’auteure de ces lignes (coucou!) fut spontané et senti.
Est-ce qu’en pataugeant dans le récit de sa vie, le prudent et émotif Martin Vachon joue justement trop de prudence, reste «safe» et se retient peut-être de s’aventurer dans une certaine zone de folie qui le distinguerait véritablement?
À la lumière de la finale de Ahh Caramel…, on se permet d’oser la question.
Cela dit, Martin Vachon peut ne pas totalement satisfaire une critique, il a sa place bien à lui dans la sphère comique québécoise. Il y avait une généreuse file d’attente près de L’Olympia, mercredi, pour le prouver. Et l’auteure de ces lignes (OK, on vous laisse tranquilles avec elle) s’infiltrerait bien à sa fête d’anniversaire pour le voir s’éclater sans contrainte.
Martin Vachon présente Ahh Caramel… en tournée partout au Québec (avec supplémentaires à Montréal les 11 et 12 avril).
Ce contenu a été créé avec l’aide de l’IA.