Ce mercredi avait lieu la première médiatique du troisième one-man-show de Rachid Badouri, Les fleurs du tapis. C’est devant une salle comble à l’Olympia où se mélangeaient journalistes, proches, fans et vedettes que l’humoriste a dévoilé une version améliorée de lui. En effet, dans les derniers mois, on a beaucoup entendu parler de l’introspection de Rachid Badouri, de sa transformation autant personnelle que professionnelle. Les fleurs du tapis, c’est bien cela, une rétrospective de sa vie et de son évolution. Le tout se fait bien entendu dans le rire et l’énergie toujours aussi contagieuse de l’humoriste de 43 ans, car non, il n’a pas complètement changé. Rachid joue toujours autant dans l’autodérision et les mimiques démesurées.
On le constate rapidement à l’ouverture du spectacle, alors que les rideaux se lèvent sur une composition originale du rappeur Loud et sur un Rachid qui lance à la foule « Faites du bruit Montréal! » S’en suit une introduction sur sa naissance où une voyante aurait dit à sa mère qu’il était béni par une étoile et que son destin serait marqué par la gloire, rien de moins! L’imitation de sa mère et son père est inévitable et fait mouche, bien entendu.
L’humoriste fait ensuite un grand saut dans le temps pour revenir sur son passage dans la Ville lumière, Paris. Il se réchauffe tranquillement en critiquant l’endroit et la manière dont les Parisiens croient connaître le Québec. C’est du déjà vu, mais la manière dont il utilise la scène arrive à soutirer les rires du public. Il se lance ensuite dans la description de deux types d’extrémistes pour en venir à expliquer qu’en tant que premier humoriste d’origine arabe à connaître autant de succès au Québec, il avait le devoir de redorer l’image de sa communauté. Pas toujours facile de changer les perceptions quand on entend dire qu’un Marocain a réussi à voler un Bixi et s’est rendu au Maroc avec pour le vendre! La sonorité de la langue arabe est aussi un point qui met des bâtons dans les roues de cette « grande campagne de séduction », selon Rachid. Il compare alors sa langue avec l’espagnol, qui est à son avis toujours sexy, même pour les mots de prime à bord dégoûtants. « En espagnol, même herpès, c'est romantique : herpèso », dit-il avec sensualité.
Après ce numéro, on sent toutefois que le rythme du spectacle change, car les sujets deviennent plus sérieux, même si le tout est amené avec humour. Rachid parle du diagnostic trop rapide qu’on donne aux enfants et leur surmédication ou encore de la « société à l’envers » qui paie des joueurs de hockey des millions alors que les préposés aux bénéficiaires ont un salaire de crève-faim. Il en profite pour lancer des fleurs à sa femme, une éducatrice spécialisée dévouée, en plus de s’écorcher aussi au passage en faisant référence à son métier surpayé. Il en vient à l’égalité homme-femme, à son « anxiété du futur » en rapport à sa fille qui pourrait fréquenter « des loups ». L’anecdote sur l’accouchement de sa femme est aussi amenée avec originalité et sensibilité, tout comme le segment sur la maladie qui l’a forcé à annuler 30 spectacles en France. Il se montre vulnérable quand il raconte qu’il croyait avoir un cancer des poumons.
Cependant, c’est ce moment difficile où il s’est « fait violer tous les orifices du corps » pour des tests médicaux qu’il a finalement compris qu’il devait changer. C’est là qu’il avoue avoir été un « trou de cul », que le taux de roulement des employés de son équipe n’avait aucun sens et qu’il pétait des coches dès le moindre pépin. Son ascension rapide en carrière était un rêve réalisé pour celui qui souhaitait plus que tout devenir un grand artiste, mais c’est aussi ce qui l’a mené à devenir arrogant et à manquer de respect à son entourage, mais surtout à sa femme. Sans l’ultimatum de celle-ci, jamais il n’aurait compris tout cela et jamais il n’aurait consulté pour changer. C’est sur ce point qu’il conclut son spectacle en indiquant qu’il l’a fait pour s’« améliorer pour le mieux ».
Au final, bien que Les fleurs du tapis ne nous ait pas fait mourir de rire, il nous a fait réfléchir. C’est un spectacle engagé qui porte sur des sujets d’actualités importants. On s’en rend compte à la fin quand on repense à ce qui nous a été offert. Le racisme, la tolérance, le jugement, la maladie, ce sont toutes des thématiques qui ont été amenées avec finesse sous la forme de blagues bien portées par un Rachid Badouri plus que solide. Le parcours n’a pas été sans embûche, mais un peu comme dans un conte de fées où le héros s’est battu pour se rendre au bout de sa quête, l’humoriste a trouvé son étoile.