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Félix-Antoine Tremblay: « Être atteint d’un trouble alimentaire, c’est un combat 365 jours par année »
Crédit: Karine Paradis

En février dernier, quelques jours après la soirée-bénéfice d’ANEB, dont il est co-porte-parole en compagnie de Catherine Brunet, Félix-Antoine Tremblay livrait un touchant et important témoignage sur l’acceptation de son image physique. À la veille de la Journée mondiale de la sensibilisation aux troubles alimentaires, on est revenu avec lui sur son engagement au sein de l’organisme, sur sa publication Instagram qui a su rejoindre énormément de gens, et sur ce qu’on peut faire pour, à notre tour, sensibiliser les autres sur ces maladies mentales ravageuses.

Peux-tu revenir sur les raisons qui t’ont poussé à devenir co-porte-parole d’ANEB?

J’ai décidé de m’impliquer parce que les troubles alimentaires ont fait partie de ma vie dans une certaine mesure. J’ai des proches autour de moi qui ont souffert de troubles alimentaires, principalement ma mère. Pour ces raisons-là, j’ai saisi l’occasion de m’impliquer le plus que je pouvais avec cette cause-là, puisqu’elle me touche directement. Je réalise encore aujourd’hui, en 2018, qu’il y a beaucoup de travail à faire. Je suis bien content d’être au front de cette cause-là.

Tu as un public majoritairement jeune, quelle est la meilleure façon pour toi d’aborder le sujet avec eux?

La meilleure façon, pour moi, d’aborder les jeunes, c’est par les réseaux sociaux parce que c’est ce qui rejoint le plus de gens et c’est là-dessus qu’on peut se permettre de rejoindre les jeunes, c’est ce qui leur parle directement. Mais la meilleure façon de les rejoindre, je dirais que c’est en leur parlant, simplement, en leur disant la vérité, en ne les prenant pas pour des imbéciles, en leur donnant l’heure juste. Dès que tu parles à un jeune d’égal à égal et en leur disant les vraies choses, il est à l’écoute. Ils sont super réceptifs, intelligents et ouverts.

Et avec ce lien privilégié que tu entretiens avec les jeunes, est-ce que certains te contactent au sujet de leur image corporelle ou de troubles alimentaires?

Oui. C’est sûr qu’en étant sur les réseaux sociaux et en étant super impliqué du côté de la jeunesse, ça ouvre la porte à des confidences, à des messages. C’est sûr qu’on réagit comme on peut. Je ne suis pas un professionnel non plus; quand les questionnements, les angoisses, dépassent un peu mon champ de compétences humain, je les réfère aux bonnes ressources et c’est souvent ANEB.

Justement, qu’est-ce qu’on peut faire si quelqu’un dans notre entourage souffre d’un trouble alimentaire?

Honnêtement, il n’y a pas grand-chose à faire, au sens où on peut pas pousser la personne à se soigner, on peut pas forcer la personne a entreprendre des démarches qu’elle est pas prête à prendre. Je dirais que la meilleure chose à faire, c’est être là, attendre, être réceptif et à l’écoute quand ça va être le temps. Aussi, ANEB, depuis peu, offre des groupes de soutien pour les proches de gens qui sont atteints de troubles alimentaires. C’est sûr que c’est une maudite belle alternative pour aller chercher des ressources quand on ne sait pas quoi faire, quand on ne sait pas comment agir, quand on ne sait pas par où commencer. On peut aller dans ces groupes ou appeler la ligne de soutien d’ANEB, ne serait-ce que pour poser des questions, savoir quoi faire, quels mots employer… Des fois, on est dépourvus parce que c’est quelqu’un qu’on aime, parce que ça nous blesse. Des fois, sous le coup de l’émotion, on n’agit pas de la bonne façon, alors c’est juste d’aller chercher un coup de main qui peut nous sauver.

As-tu vu des améliorations au courant des dernières années en matière de sensibilisation?

C’est sûr qu’on en parle de plus en plus et plus on en parle, plus on guérit, à mon sens. C’est un problème de société aussi, et ça le devient de plus en plus au sens où les réseaux sociaux prennent de plus en plus de place, et les réseaux sociaux nous forcent à nous comparer de plus en plus. On se lève le matin, on ouvre Instagram et ce qu’on nous met dans la tête c’est : t’es pas assez mince, t’as pas d’abdos, t’es pas prêt pour la plage… On se fait bombarder d’images parfaites et d’images qui n’existent pas. Déjà, en partant, c’est aliénant. Donc oui, il y a une grosse partie du travail de fait, dans le sens où on ouvre des discussions, on en parle, on le dit que faut arrêter le bodyshaming, faut s’accepter comme on est. Il y a sept milliards d’humains sur la Terre, il y a sept milliards de corps. C’est le travail d’une vie, même pour les gens qui ne sont pas atteints d’un trouble alimentaire. On n’est jamais loin d’un trouble alimentaire. Souvent, aussi, il y a un préjugé comme quoi ça paraît les gens qui sont atteints d’un trouble alimentaire. Faux! C’est une maladie mentale. Oui, il y en a que c’est symptomatique physiquement, qu’on le voit par un corps malade. Mais règle générale, je dirais que pour 80% des gens atteints de troubles alimentaires, ça ne paraît pas, et c’est ça qui est inquiétant. Il n’y a pas de symptômes [visibles], c’est dans la tête, c’est une perception qu’on a de soi. Donc où le travail est encore à faire, je pense que c’est qu’il faut continuer le débat, continuer de se parler et continuer aussi d’encourager le body positive, de marcher vers l’avant, d’arrêter de se comparer.

Il y a plusieurs autres mythes qui persistent concernant les troubles alimentaires, notamment l’idée que ça ne se guérit pas. En entends-tu encore beaucoup des mythes du genre?

Un des plus gros mythes, c’est que ça ne se guérit pas, c’est vrai. Ça se guérit un trouble alimentaire, on peut guérir comme n’importe qui peut se guérir d’une dépression. Un trouble alimentaire, c’est à considérer à mon sens comme une dépression. C’est une maladie mentale, personne est à l’abri de ça. Ça se soigne; effectivement, on reste probablement toujours fragile, on va devoir faire attention toute notre vie, mais comme n’importe quoi. Je veux dire, tu te casses une jambe, toute ta vie ta jambe va rester fragile, mais tu vas réapprendre à marcher, tu vas réapprendre à fonctionner, à courir, à faire tout ce que tu faisais, et peut-être même mieux encore. Un autre préjugé, on dit souvent que c’est la faute des familles, de la pression dans le milieu dans lequel la personne évolue, la faute de l’entourage. C’est faux, encore une fois. C’est sûr que la famille peut jouer un rôle déterminant, dans le sens où quand on n’a pas les ressources, quand on ne sait pas comment aider, quand on veut trop et qu’on fait mal les choses, mais c’est faux [que c’est leur faute]. Tout part d’une personne, de sa tête. À partir de ce moment-là, y’a personne à blâmer.

Tu as récemment fait une publication sur Instagram pour sensibiliser aux troubles alimentaires. Est-ce que c’était le genre d’images qu’on retrouve sur le réseau social qui t’a poussé à réagir comme ça?

Quand je dis que personne est loin de développer un trouble alimentaire, c’est que c’est un peu ça qui m’est arrivé. Je n’ai pas développé un trouble alimentaire, loin de là, mais je réalise de plus en plus – même en étant impliqué et en étant proche de quelqu’un qui a souffert de troubles alimentaires – que j’embarquais dans cet engrenage-là. De me dire que je devrais m’entraîner, mais pas pour les bonnes raisons. De me dire que mon corps est-tu prêt pour l’été? Je vais-tu rentrer dans mon maillot? À un moment donné, j’ai fait : « Attend là. Je suis en train de moi-même contribuer à ça, de me pourrir la vie. » Ça a poussé ma réflexion. J’ai fait : « C’est assez, man. C’est ça ton corps. » C’est exactement ça que je dis [dans la publication], c’est que c’est ça mon corps aujourd’hui, pis je sais que ça va être ça mon corps le 27 juillet. Parce que quand je pense comme ça, que je m’entraîne pour les mauvaises raisons et que je me fixe des objectifs pas rapport, ça fait que je l’atteins pas, que je suis déçu de moi, que je me tape sur la tête. C’est pas ça, ma vie, de m’entraîner sept jours sur sept et de manger du brocoli pis du poulet. J’aime profiter de la vie, j’aime aller au resto, j’aime prendre un verre. Oui, j’aime faire du sport, mais le sport fait pas entièrement partie de ma vie. Le corps que j’ai vient avec, faut commencer à s’aimer parce qu’à un moment donné, il y a des choses qui ne changent pas et qui ne pourront pas changer. Je pense que c’était un peu ça mon cri du cœur, parce que depuis une couple de semaines je voyais l’été qui s’en venait et je voyais les réseaux sociaux commencer à nous bombarder de photos de gars et de filles en chest.

On dirait que ce n’est pas un hasard que la Journée mondiale des troubles alimentaires tombe le 2 juin, une période où on peut être particulièrement confrontés à notre image.

C’est sûr que c’est confrontant, c’est sûr que la période est extrêmement à propos. Cela dit, quelqu’un qui est atteint d’un trouble alimentaire, c’est un combat 365 jours par année. Le temps des fêtes, c’est épouvantable pour quelqu’un qui est atteint d’un trouble alimentaire avec les repas, l’abondance, manger en groupe. C’est sûr que l’été qui approche, ça nous remet le beach body dans la face, mais je pense que le problème est quand même 365 jours par année.

Et comment peut-on participer à sensibiliser les gens?

Il y a un hashtag qui a été créé pour la journée, c’est #AgissonsEnsemble. C’est une espèce de mouvement de masse pour se serrer les coudes tous ensemble et se dire : « Hey, je suis pas tout seul là-dedans ». Ça ramène un peu à ce que j’ai fait pour mon post. Au début, j’étais gêné de le faire. Je fais-tu une erreur? C’est-tu con de mettre une photo de moi en chest et de dire ça? Le fait de penser comme ça, je me suis dit : « Tu peux pas être plus on point de le faire ». On dirait que c’est ça aussi un peu cette journée-là, de se dire que, à différents niveaux, on est tous conscients de notre image, on veut tous plaire, on veut tous montrer aux autres qu’on est beaux et qu’on est bien. Je pense que c’est ça, aussi, ce mouvement-là. C’est pas juste l’anorexie et la boulimie, ça va plus loin. C’est important d’en parler, c’est important de soulever des discussions et là, c’est le moment idéal pour le faire, pour crier haut et fort que oui, la problématique est encore bien réelle et bien présente et qu’il y a encore un travail à faire, mais que pour cette journée-là on est tous ensemble et on soutient les gens qui sont atteints de troubles alimentaires.

Pour donner à ANEB, c’est ici. Si vous souffrez d’un trouble alimentaire, vous pouvez les contacter ici ou appeler au 1 800 630-0907.

 

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